Le regard d’un expatrié: À travers une série de trois articles, notre chroniqueur basé à New-York nous offre une analyse pleine de recul et de bon sens: La France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. C'est un frondeur paralytique. Nos archives regorgent d'analyses perspicaces de nos défaillances, de propositions ingénieuses destinées à y remédier. Les analyses ont presque toutes été applaudies ; les propositions n'ont presque jamais été appliquées. Jean-François Revel, Le Voleur dans la maison vide, 1999 Par où commencer ? Quand on joue avec les clichés, tous les arguments sont bons. Le Français est râleur, il n’est jamais content, c’est un expert du back-seat driving[i]. Le Français descend du Gaulois [au fond, pas vraiment, M. Sarkozy], résistant encore et toujours à l’envahisseur, cette mondialisation aux contours illuminato-americano-capitalistes (même s’il finira bien pas céder, à court de potion de magique). Car au fond, le Français est davantage résistant qu’il n’est révolutionnaire, en ce qu’il rejette plus qu’il ne cherche à construire, sans craindre de tourner à vide : il fait non avec la tête, mais oublie de dire oui avec le cœur. Ainsi, vu de l’étranger, le Français aime son petit confort, est snob, protecteur d’un trésor imaginaire, nostalgique d’un ancien monde révolu. De sorte que la France, finalement, se cantonne au sens étymologique du mot « réforme » : rétablissement dans l’ordre, dans l’ancienne forme. Y’a-t-il une part de vrai ? Peut-être. Le socle culturel de la France, qui tisse nos mentalités et notre inconscient, est une trame invisible, dont on ne pourra jamais saisir l’étendue. Et puis si nous détestons entendre des clichés sur la France venus de l’étranger, nous nous gardons le droit d’en proférer de toute part sur nous-mêmes. Car au fond s’il y a peut-être une constante chez le Français, c’est qu’il est plein de contradictions. Dès lors, comment ne pas l’être à l’échelle nationale ? Tentez, au-delà des clichés, d’apporter ne serait-ce qu’une définition englobante de la France, et vous passerez forcement à côté de ce qu’elle est – c’est-à-dire tout est son contraire. Bien sûr, cela n’est pas uniquement le propre de la France, et ce constat, Omnis determinatio est negatio, pourrait s’appliquer à toutes les nations du globe. Mais la France semble exceller dans ses incohérence, tantôt terre d’innovation, tantôt modèle de conservatisme, tantôt Gavroche, tantôt Napoléon – tantôt french flair, tantôt Ligue 1. C’est cliché, encore une fois, mais c’est l’idée que je me fais de la France, et c’est à mes yeux ce qui fait son charme. Malaise scolaire Tentons néanmoins de dépasser la tentation de l’aphorisme et de faire la généalogie de ces maux français – ou plutôt de la version française de ces maux. Plongeons-nous dès lors dans ce qui constitue un socle originaire commun à tous les français : l’école. Pourquoi évoquer l’éducation ici ? Parce que le schéma éducatif français est un formidable laboratoire de notre rapport à l’autorité d’une part, et aux élites d’autres part. A ce sujet, l’ouvrage de Peter Gumbel, Elite Academy : Enquête sur la France malade de ses grandes écoles nous offre une mise en perspective adroite de notre conception de l’éducation. Car avant de créer des élites, l’école française façonne notre conception de l’autorité. D’après Peter Gumbel, journaliste et écrivain d’origine anglaise, l’ambiance de travail des entreprises françaises, les mauvais rapports de groupes, la défiance réciproque entre les employés et leurs patrons, tout ceci découle directement de la conception de la hiérarchie que nous inculque l’école, où le professeur est roi, les cours sont magistraux – les élèves ne participent pas, souvent de peur de se tromper, car se tromper c’est la honte ; les « cancres » sont relégués (d’ailleurs la France est le pays qui a le plus fort taux de redoublement, quand de multiples études ont démontré son inefficacité). Le seul pays qui se rapproche de la structure hiérarchique à la française est le Japon, mais la France pousse les clivages encore plus loin (statistiques à l’appui). Ainsi, aux yeux d’un écolier français, le concept d’autorité n’inclut pas la notion de dialogue ; la discussion, la négociation, la recherche de compromis, ne sont pas naturelles (qu’en pensent nos arbitres de foot ?). Il s’agit de consentir ou de faire front. Pas étonnant que soit l’article 2 de la loi du travail – qui traite notamment des renégociations internes aux entreprises – soit au cœur du débat actuel. Le mal élitiste Au passage, le sujet principal du livre de Gumbel – la fabrique des élites françaises – vaut le coup d’être évoqué, même si l’on risque de s’éloigner de notre sujet initial. Car si la France se vante d’avoir un système éducatif méritocratique, où l’enseignement – de la maternelle jusqu’aux études supérieurs – peut être gratuit pour tous, elle ne peut fermer les yeux sur l’élitisme néfaste qu’elle institue. Dans un pays où l’on semble préférer l’intelligence au succès (ce que je ne condamne pas totalement), sortir d’une grande école vous offre un passeport pour la vie. Certes les Royaume-Uni présente son contingent d’élites, et se montre beaucoup plus sélective financièrement à l’entrée d’Eton puis d’Oxbridge, mais la part d’individus qui en sont issus dans les grandes entreprises ou en politique y est bien moindre, et ne cesse de décliner. Quant à l’Ivy League américaine, celle-ci concerne une part beaucoup conséquente d’élèves : 50 fois plus d’élèves que dans les grandes écoles françaises, alors que la population est uniquement x4 ; dont une part importante de MBA. Oui, notre système a certaines vertus[i], mais c’est en France que l’on constate le plus gros déterminisme à la sortie de l’école. Et ceci alimente en partie le sentiment de distance entre le « peuple » français et ses élites, intouchables[ii]. Nous nous sommes quelques peu égaré – ce n’est pas faute d’avoir prévenu - mais ces considérations pourraient se montrer à propos, tant le sentiment de distance avec l’élite au pouvoir – hommes politiques et grands patrons confondus – a conditionné l’élection de notre Président normal. François Hollande su ajuster son discours électoral : protéger les petits et clamer une volonté de changement pour mieux surfer sur le rejet d’un ultra président trop bling-bling. On en oublierait presque qu’avec sa carte de visite HEC-Sciences Po-ENA, François Hollande est un pur produit de notre machine à élites française. On oublierait presque François Hollande est issu d’un parti rongé de l’intérieur par ses orientations diverses, miné par ses clans, dont l’inertie est, en somme, incompatible avec le changement. On comprend dès lors la frustration des Français face aux manœuvres politiciennes d’un gouvernement pusillanime et non-exempté de scandales. Hollande ne s’est pas donné les moyens des convictions affiches en campagne (sont-ce vraiment des convictions ?), manquant du courage nécessaire pour « changer » notre pays. Osons continuer une autre citation de Revel : Hollande est à Mitterrand ce que Mitterrand lui-même était à de Gaulle : le théâtre sans l’héroïsme. Un virage raté
Mais après un début de quinquennat ubuesque, symbolisé à mes yeux par le sketch Arnaud Montebourg, François Hollande a su se faire une raison, pour entamer un virage pro-business nécessaire, incarné par Emmanuel Macron (qui, pour la petite histoire, n’avait rien demande à l’époque, et comptait s’éloigner de la politique). L’intention est louable, et on peut se réjouir des multiples initiatives qui ont été prises (Loi Macron, Loi travail, Loi sur le numérique), mais on tombe des nues face au manque de pédagogie dont fait preuve notre gouvernement. Finalement, s’il est une constante dans la présidence d’Hollande, c’est sa communication désastreuse [et son fiasco fiscal]. Et c’est bien dommage, tant la direction prise depuis un an semble insuffler un souffle nouveau. Certes, ce n’est pas qu’une affaire de forme : cet amateurisme pédagogique reflète une fâcheuse tendance à l’improvisation et aux bricolages au moment de pondre un projet de loi. Mais le caractère non-explicité du virage en cours fait le lit des revendications justicière de la gauche de la gauche - des frondeurs PS, de leurs proches du Front de Gauche, et, par extension, de la CGT - qui crie au scandale et cherche dénoncer la fourberie illégitime de la bande à Macron. Or si la maladresse du gouvernement explique les faveurs de l’opinion publique à la cause syndicale, les protestations du mois de mai sont – à mon goût – un signe (de plus) que les frontières des partis politiques français sont aujourd’hui obsolètes. [i] Laisser le volant mais donner ses instructions au pilotes depuis la banquette arriere [i] Et encore je vous ai epergne les rlst du classement PISA [ii] impossible de virer un X en France. Corréalaiton : + vous avez d’X dans votre CA, + l’entrperise (du CAC 40) a de mauvais rtls. Un spectateur engagé
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Juin 2017
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