« Renaissance », « renouveau », « retour en force ». Qu’importe le qualificatif donné à cette année 2016 pour l’Iran marquée par de grandes avancées. Sur le plan régional, le pays a conclu un accord avec les pays de l’OPEP, le 1er décembre dernier, lui permettant d’augmenter sa production de pétrole au détriment de l’Arabie Saoudite. Sur le plan international, la plupart des sanctions qui pesaient sur ce pays ont été levées à l’issue de l’accord de Vienne du 14 juillet 2015. L’Iran d’Hassan Rohani est ambitieuse et se veut être non seulement la puissance dominante du Moyen Orient mais aussi incontournable au sein des relations économiques et géopolitiques internationales. Cependant, les années d’isolement ont lancé des traces dans la société iranienne et certains événements politiques extérieurs pourraient chambouler la donne: analysons la situation passée et présente pour tenter de déterminer le futur de l’Iran. Le gouvernement iranien a conclu un accord sur le nucléaire civil mettant fin à un embargo économique et diplomatique contraignant pour la société iranienne. L’élection d’Hassan Rohani a marqué une rupture nette avec la présidence d’Ahmadinejad par une volonté de ce dernier de réformer le pays en profondeur pour qu’il rayonne de nouveau sur le plan régional et international. DES TENSIONS POLITIQUES RESPONSABLES DE SON ISOLEMENT SUR LE PLAN INTERNATIONAL La révolution islamique de 1979 a marqué un véritable retour en arrière et un coup d’arrêt au souhait du Shah d’Iran de moderniser le pays en lui dotant des principes démocratiques proche des valeurs occidentales. L’ayatollah Khomeini, à l’issue de son coup d’Etat, instaure une république islamiste autoritaire, antiaméricain car ce sont les Etats-Unis qui avaient placé au pouvoir le Shah mais également anti-sioniste, donc en tension avec Israel. Cette révolution a par conséquent conduit à la rupture des relations diplomatiques de 1980 à 2009 avec les Etats-Unis suite à l’épisode de la prise d’otage de l’ambassade de Téhéran. Face à cette isolement diplomatique et régional dont l’Arabie Saoudite, l’autre puissance du Moyen-Orient, sort incontestablement gagnante en s’alliant avec les Etats-Unis, l’Iran développe l’idée de se doter de l’arme nucléaire même si elle affirme que son programme a des finalités seulement civiles. Le TNP — Traité de non prolifération des armes nucléaires — pourrait alors faire l’objet d’une violation de la part de l’Iran qui a signé le traité en 1970 ; ce qui provoque l’inquiétude, au début des années 2000, de la communauté internationale et notamment des Etats-Unis et d’Israël. Cette inquiétude a abouti à l’adoption de sanctions économiques à l’égard de l’Iran pour bloquer les possibles investissements dans ce domaine, ce qui a considérablement ralenti l’économie iranienne et son influence, estimant le coût des sanctions à plusieurs centaines de millards de dollars de manque à gagner. Une décennie passée, les accords de Vienne reflètent cette volonté de l’Iran de tenir ses engagements et de coopérer. En contrepartie de ces promesses de transparence dans le cadre des contrôles de l’AIEA — l’Agence Internationale de l’Energie Atomique —, l’embargo américain et européen dans les domaines de la finance, de l’énergie et du transport devrait s’interrompre progressivement. Cet accord historique était fortement sollicité par la société civile iranienne, fortement touchée par les embargos. Le potentiel de l’Iran est énorme et ce pays a la voie libre pour pouvoir s’imposer dans le concert des nations. L’IRAN DISPOSE DE TOUS LES CRITERES D’UNE GRANDE PUISSANCE FUTURE La normalisation des relations diplomatiques marque le retour de l’Iran sur la scène internationale et régionale en tant que carrefour géostratégique et culturel. Faisons le point sur les atouts dont dispose l’Iran pour s’imposer en tant que grande puissance : · Une situation géographique déterminante avec : o Un territoire qui se situe entre les mondes caucasien, turc, indien et arabe ; o Une situation maritime favorable en vertu des mers qui le borde. · Un territoire de 1,6 million de km2. · Une population de 82 millions d’habitant - soit trois fois celle de l’Arabie Saoudite. · Un sous sol très riche avec des ressources considérables : o en gaz puisqu’il tient le premier rang avec presque 20% des reserves mondiales ; o en pétrole : quatrième en terme de gisement avec presque 10% des réserves ; o en ressources minérales : 7% des reserves mondiales. · Le régime politique est relativement stable même si la culture et la liberté de la presse reste encore soumises à la censure ; · Une culture riche et l’épicentre du mouvement chiites dans le monde en concentrant 90% des fidèles ; · Une population avec un niveau d’éducation très élevée notamment sur le plan scientifique et une classe moyenne importante ; · Une force militaire puissante ayant une influence déterminante dans la région notamment dans le conflit syrien. Il paraît alors évident que le potentiel de l’Iran fait de lui une possible et incontournable puissance future. Cependant, il est impératif pour elle de régler les blocages auxquels elle est confrontée sur le plan interne, propre au fonctionnement de la société iranienne, et externe dans ses relations régionales et internationales. DES REFORMES STRUCTURELLES URGENTES SUR LE PLAN INTERNE POUR ASSURER UN RETOUR DURABLE La réintégration progressive de l’Iran sur la scène internationale implique nécessairement que des réformes ambitieuses non seulement juridiques mais également économiques, monétaires et bancaires soient entreprises : les défis d’Hassan Rohani sont donc primordiaux et multiples. En effet, la levée des sanctions bilatérales et multilatérales n’a pas pour le moment suscité le boom économique espéré. En dépit du fait que l’Iran soit courtisé pour ses réserves en hydrocarbures et que sa production ait retrouvé son niveau d’avant les sanctions, l’absence d’infrastructures modernes constitue un lourd handicap pour le pays, notamment dans l’exploitation du gaz, bien qu’elle dispose des plus grosses réserves mondiales. Des réformes structurelles de grande ampleur doivent être entreprises pour favoriser son entrée sur le marché mondial et attirer les investisseurs afin de diversifier l’économie pour l’instant très dépendante des exportations d’hydrocarbures, diminuer le chômage massif et l’économie informelle. Pour cela, il s’agit de créer un environnement économique et juridique stable car une grande partie de l’économie est sous le contrôle de l’Etat, il s’agit là de privatiser et libéraliser l’économie en baissant les taxes, en développant le secteur privé encore entre les mains de grandes familles et encourager l’innovation. De plus, il est impératif d’améliorer la compétitivité des taux de change et renforcer le sytème bancaire des taux d’emprunt nationaux qui ne sont, pour le moment, pas du tout avantageux et enfin maitriser l’inflation. Autre sujet important, le pays doit également repenser sa politique environnementale. Actuellement, l’Iran connaît une crise écologique importante marquée en raison d’une mauvaise gestion du secteur agricole causant un épuisement des nappes phréatiques et une pollution massive du fleuve Karoun qui est le seul fleuve navigable du pays. A l’image de la politique des grands travaux de Roosevelt dans les années 30 pour relancer l’économie américaine en crise, Rohani est convaincu que l’Iran peut se redresser et devenir un pôle d’influence majeur dans les décennies à venir indépendamment de l’avantage énergétique dont elle dispose. Rohani souhaite, comme les Emirats Arabes Unis l’ont fait avant lui avec les villes de Dubaï et d’Abu-Dhabi, investir massivement dans le tourisme en espérant devenir la nouvelle destination touristique des prochaines années : le gouvernement souhaite multiplier par cinq le nombre de touristes d’ici 2025, soit 20 millions avec gain de 30 millards de dollars à la clef. DES PERSPECTIVES ENCOURAGEANTES SUR LE PLAN EXTERNE MALGRE LES DIVERS BLOCAGES REGIONAUX En redevenant progressivement un acteur la communauté internationale, l’Iran apparait comme un eldorado pour les investisseurs étrangers au vu de ses ressources mais également au regard des possibles débouchés d’une classe moyenne iranienne désireuse de développement et de progrès. Dans cette dynamique de retour, cette dernière doit faire face à des rivalités multiples et des barrières qui pourraient empêcher ce développement. On peut d’ailleurs le voir à travers les difficultés rencontrées pour la construction d’un corridor énergique pour acheminer les hydrocarbures vers l’Europe. En effet, elle se trouve encerclés soit par des alliances notamment celle de l’Arabie Saoudite et de ses allies soit par des régimes instables tel que l’Afghanistan ou le Pakistan qui sont sous à des tensions sociales et politiques, l’Irak qui est menacé de désintégration, la Turquie d’Erdogan et son régime autoritaire et enfin la Syrie actuellement en état de guerre : un acheminement rentable des ressources parait alors difficile pour le moment à concrétiser. L’Iran ne cache pas ses ambitions et souhaite doubler l’Arabie Saoudite dont la volonté de dominer est non seulement économique mais également culturelle et religieuse. Avec un conflit pluri séculaire entre la communauté chiite représentée en grande majorité par l’Iran et les sunnites rassemblés autour de l’Arabie Saoudite, les deux puissances instrumentalisent dans des pays instables comme au Liban où l’Iran soutient le Hezbollah, responsable de la paralysie actuelle du pays ou encore en Syrie où l’Iran joue un rôle déterminant dans le conflit syrien en tant que soutien au régime de Bachar Al Assad. En effet, l’Iran aurait versé environ 30 milliards de dollars entre 2011 et 2014 au clan Assad, la Syrie, alliée de toujours de l’Iran lui offre une voie maritime sur la Méditerranée. A l’avenir, elle pourrait jouer un grand rôle dans la résolution de ce conflit autour d’une alliance avec la Russie et les pays de l’OTAN.
Malgré tout, l’espoir d’une « paix froide », comme le propose Barack Obama, bénéficierait aux deux puissances et à l’apaisement voire au règlement de certains conflits régionaux. L’ouverture à l’Iran pourrait favoriser un apaisement des tensions au Moyen Orient. UN NECESSAIRE OPTIMISME DANS UN CLIMAT INTERNATIONAL PROPICE A L’ISOLEMENT L’année 2016 aura été pleine de surprises entre la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne et l’élection de Donald Trump à la tête de la première puissance mondiale, montrant le retour en force du populisme, du protectionisme et du souverainisme plutôt que l’ouverture et la coopération. 2017 pourrait être une année terrible pour le retour de l’Iran sur la scène internationale. En effet, hors du territoire iranien, la méfiance demeure après la levée des sanctions où une partie des nations mettent en cause le respect de l’accord sur le nucléaire notamment de la part d’Israël et des Etats-Unis où l’administration Trump pourrait vouloir démanteler l’accord sur le nucléaire. L’Iran devra alors redoubler d’effort pour convaincre la communauté internationale de l’honnêteté de ses démarches entreprises. Deuxièmement, au sein même de la société l’intérieur : les conservateurs iraniens sont très influents et ne veulent pas d’afflux de touristes et de capitalisme au sein de leur société, l’élection présidentielle de 2017 pourrait les amener au pouvoir et déconstruire des années de négociations. Clément HAOUISEE
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Juin 2017
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