Le fondateur d'En Marche pourrait subir le même sort que Jean-Pierre Chevènement, candidat à la présidentielle de 2002.
Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle, crée un réel engouement autour de sa candidature. Près de 15.000 personnes seraient venus l'applaudir en décembre au Parc des Expositions de Paris pour son premier grand meeting. Selon plusieurs sondages d'opinion, il se rapproche d'une qualification au second tour. Pourtant, le fondateur d'En Marche, ancien ministre de l'Economie de Manuel Valls, semble suivre, 15 ans plus tard, une trajectoire qui rappelle celle de... Jean-Pierre Chevènement. L'actuel président de la Fondation pour l'islam de France était, en 2002, candidat à l'élection présidentielle. Un corpus idéologique ambigu À force de ralliements de personnalités de gauche et de centre droit, le mouvement En Marche se positionne de fait comme n’étant ni à droite ni à gauche. Même si son socle idéologique est encore en construction, on peut percevoir une tentative d’emprunter certaines postures, tantôt à la droite, tantôt à la gauche. Ce faisant, le mouvement fondé par Emmanuel Macron suit la même voie que celui créé par Jean-Pierre Chevènement : le Mouvement des Citoyens, devenu au fil des ralliements Pôle républicain pour l’élection présidentielle de 2002. Alors que la posture de Jean-Pierre Chevènement, résolument ancrée dans l’héritage de la IIIe République, et fondée sur la souveraineté nationale et l’autorité de l’État, attirait des souverainistes de droite comme de gauche, celle d’Emmanuel Macron semble encore ne porter que sur une personnalité et une espérance liées à son caractère juvénile. Jean-Pierre Chevènement était parvenu à attirer à lui aussi bien Lucie Aubrac, symbole de la Résistance, que de la famille de Pierre Poujade. L’équipe de campagne du fondateur du Mouvement des Citoyens s’est alors trouvée embarrassée de ce dernier ralliement encombrant. En surfant sur cette vague du ni gauche ni droite, Emmanuel Macron s’expose, dans les mois qui précèdent l’élection présidentielle, au risque de devoir assumer et concilier des ralliements aussi contre nature qu’inattendus. On peut imaginer que certains anciens du groupe Occident, en quête de renouvellement, rejoignent ses rangs, se trouvant à cohabiter avec les gaullistes de gauche et de droite qui auraient décidé de le soutenir également. Le premier danger encouru par la candidature d’Emmanuel Macron est que son positionnement, au lieu d’apparaître comme un signe d’unité nationale et de rassemblement, ne donne une impression d’ambiguïté et de manque de clarté. Les institutions de la Ve République poussant au bipartisme, nonobstant la place croissante occupée par le Front National, permet difficilement l’émergence d’une force transpartisane. Faiblesse du réseau d’élus La deuxième faiblesse de la candidature d’Emmanuel Macron, tout comme celle de Jean-Pierre Chevènement en 2002, tient à la minceur du réseau d’élus le soutenant. Alors que le fondateur du Mouvement des Citoyens pouvait déjà compter sur un groupe d’élus de son parti, tant au Parlement que dans les collectivités locales, tenant notamment la mairie du XIe arrondissement de Paris, le mouvement d’Emmanuel Macron est encore trop jeune pour pouvoir compter sur son propre réseau. Il ne peut donc qu’espérer que certains élus en place migrent d’un parti pour rejoindre le sien, à l’instar de Gérard Collomb, maire de Lyon. Ceci présente donc deux obstacles majeurs susceptibles de freiner l’élan du candidat Macron à la présidentielle. Tout d’abord, faute d’élus en place, il peut difficilement compter sur des relais suffisants en régions pour porter son message. Des élus locaux, à l’occasion de leurs voeux, dans les publications qu’ils animent, ou encore dans la presse régionale, lorsqu’ils prennent la parole, portent la parole de leur champion. Alors même que le MDC de Jean-Pierre Chevènement comptait des élus locaux, ceux-ci n’étaient pas en nombre suffisant pour que la parole de leur candidat se diffuse partout. Pour Emmanuel Macron, dont le mouvement En Marche a fondé en avril 2016, c’est encore plus criant. Le deuxième frein à l’élan d’Emmanuel Macron tient dans le caractère complètement imprévisible des ralliements explicites et migrations d’élus vers son mouvement. Certains, suffisamment bien établis sous leur propre nom, peuvent le soutenir sans aucune réserve, comme Gérard Collomb, tandis que d’autres se montrent hésitants ou bien le soutiennent encore du bout des lèvres. Bien que l’étiquette du PS ne soit pas un gage de succès aux législatives, nombre de parlementaires socialistes auront besoin du financement de leur parti pour leur campagne en circonscription. Faute de compter sur des élus, En Marche ! ne peut même pas garantir à ceux qui l’auront rallié de pouvoir les aider à remporter les législatives. Ceci peut donc suffire à ce que les soutiens ne soient en fin de compte plus velléitaires que réels. Un parti de CSP+ et d'intellectuels Enfin, tout comme la candidature de Jean-Pierre Chevènement en 2002, celle d’Emmanuel Macron souffre d’un cruel paradoxe. Les sondages révèlent un réel engouement pour son approche intellectuelle des enjeux et sa capacité à les resituer dans un contexte plus général et identifier toutes leurs ramifications. Alors que les autres candidats de droite comme de gauche mettent en avant en guise de programme des mesures d’ordre technique et souvent déconnectées les unes des autres, il propose une vision de la société. Dans le même temps, il lui est reproché de ne pas entrer dans le coeur des problèmes et le vif du sujet en ne fournissant pas de détail quant à la manière de faire. Il ressort de ce paradoxe qu’Emmanuel Macron, tout comme son mentor en politique, attire tout particulièrement les catégories socioculturelles et socioprofessionnelles les plus élevées. Un bref examen de la composition de quelques fédérations rurales du mouvement En Marche met en lumière que les membres qui le rejoignent ont un niveau d’éducation élevé, un emploi stable de cadres du public ou du privé ou exercent une profession libérale. En revanche, les classes populaires sont très peu représentées, alors même qu’elles sont plus nombreuses dans la société que les classes moyennes supérieures. Après l’obtention de 5,33% à la présidentielle de 2002, l’équipe de campagne de Jean-Pierre Chevènement, en faisant son aggiornamento, déplorait que le Pôle républicain ait été un mouvement d’intellectuels sans réelles troupes issues du corps social. Emmanuel Macron peut-il conjurer le sort ? Compte tenu de la structure du mouvement qu’il a créé et nonobstant l’enthousiasme qu’il suscite aujourd’hui, Emmanuel Macron est électoralement très fragile, même s’il est crédité de sondages aussi encourageants que Jean-Pierre Chevènement en 2002. Le danger est donc que ces sondages, comme pour le candidat du Pôle républicain, ne se transforment pas dans les urnes. Pour l’élection présidentielle de cette année, Emmanuel Macron ne peut espérer remporter les suffrages annoncés par les instituts de sondage qu’à trois conditions. Tout d’abord, pour parvenir à susciter des ralliements d’élus de droite comme de gauche, il lui faut être en mesure de leur garantir un financement suffisant pour les législatives. Celles-ci coûtant de 3.000 euros à 50.000 euros selon les candidats et en moyenne constatée 15.000 euros, il faudrait que le candidat à la présidentielle parvienne à lever environ 9 millions d’euros pour les législatives. En second lieu, il convient que le candidat parvienne à attirer à lui ces fameuses classes populaires qui, soit ont déserté la politique, soit se sont jetées dans les bras de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen. Cela implique un travail d’investissement du terrain que ses troupes actuelles ne sont pas encore capables de généraliser. Il sera impératif qu’il parvienne à attirer à lui une ou deux égéries des classes populaires dans lesquelles celles-ci pourraient se reconnaître. Enfin, le sort pourra véritablement être conjuré à condition que l a primaire de la Belle Alliance Populaire se solde par un échec, laissant un Parti socialiste en miettes. Cela implique alors que le nombre de participants à cette primaire soit très en deçà des attentes (moins d’un million et demi de votants). Il faudrait également que le résultat de cette primaire soit suffisamment serré pour être remis en question par le candidat de second tour qui l’aura perdue. Voire, si un perdant de cette primaire ne se plie pas à son issue et décide de se présenter malgré tout à la présidentielle, le Parti Socialiste se verra encore plus divisé et fracturé. Vassili Joannides de Lautour est professeur à Grenoble École de Management et Queensland University of Technology, publié initialement dans le cercle des Echos
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Juin 2017
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