Billet d'Humeur d'un Jeune Citoyen:
Les Français ne comprennent-ils rien ? L’Ifop nous révèle que deux tiers d’entre eux ne s’intéressent pas à la très médiatique primaire des « Républicains ». Cette révolution démocratique qui nous vient d’outre atlantique -comme le nouveau nom du parti de droite, ce qui ne présage rien de bon- semble s’installer durablement dans le paysage politique français, après les prémices de la primaire socialiste de 2011. Primaire ô combien couronnée de succès, puisqu’elle a offert à la Cinquième République son président le plus impopulaire (4% d’opinions favorables pour rappel). Comme quoi, on peut remporter quatre scrutins nationaux consécutifs (premiers et seconds tours de la primaire socialiste et de la présidentielle) et être moins apprécié qu’un vieillard borgne et révisionniste. Cela montre bien que voter plus ne signifie pas forcément voter mieux. Les Français, enfants pourris gâtés de démocratie, il faut le dire, ne semblent donc pas convaincus par cette trouvaille déconcertante de simplicité, qui consiste à les laisser choisir qui ils choisiront pour choisir à leur place. Etonnant. Quoi de plus logique pourtant : déçus des candidats qu’on leur proposait à la fonction suprême, ils les sélectionnent maintenant par eux-mêmes. Et s’ils restent insatisfaits du choix qui leur est offert, la solution est déjà toute trouvée : à l’avenir, on organisera des pré-primaires. D’une logique implacable, c’est une solution sans fond. Ainsi la démocratie en sort renforcée, car il est bien connu que plus on vote, plus on est démocratique. Il n’y a qu’à voir le Gabon : la démocratie y est si vive que dans certaines circonscriptions, le nombre de votes dépasse même le nombre d’inscrits. Quel exemple d’une démocratie vigoureuse ! Essayons donc de comprendre pourquoi cette solution miracle ne prend pas. C’est avant tout parce qu’elle ne résout rien, et ne fait qu’amplifier les maux dont souffre déjà la démocratie, à savoir : la surmédiatisation et les ambitions personnelles démesurées. En multipliant les élections (sans que rien ne semble changer, n’en déplaise à l’apôtre du « changement, c’est maintenant ») on lasse plus que l’on ne passionne. Déjà que l’on ne supportait plus de voir les politiques en boucle sur toutes les chaînes d’information, les primaires en rajoutent une couche est saturent complétement notre seuil de tolérance. Si l’on n’aime pas les voir, ce n’est pas qu’ils soient vilains -même si, quoi qu’en dise Paul Bizmuth, non, les ministres ne sont pas tous des top modèles qui, comme « Rama et Rachida [nous] en mettent plein la vue ». Non, si l’on n’aime plus les voir, c’est plus à cause de leurs mensonges. Mensonges au premier rang desquels on trouve cette idée saugrenue que les politiques agiraient « pour la France et les Français » plus que pour leur propre ambition. On a connu plus convaincant. L’ambition justement, me ramène à mon propos initial : Les primaires aggravent les maux dont souffre la démocratie, la surmédiatisation donc, mais aussi l’ambition personnelle. Car en effet, les exemples de Montebourg et Valls ont établi un précédent. Inconnu au bataillon jusqu’alors, Valls s’est vu propulsé ministre puis premier ministre grâce au formidable score de 5,63%. Soit 149 103 votants, à peine plus que la population de Mulhouse, c’est dire qu’il ne mobilise pas les foules. En sur-médiatisant les candidats, la primaire opère un effet loupe et leur donne une importance bien supérieure à celle qui est vraiment -je dirais même démocratiquement- la leur. Ainsi, ce précédent donne à tous l’espoir de finir ministre grâce à un peu glorieux 5%. Au risque d’en surprendre certains, je me lance dans un pronostic aventureux : ni Poisson, ni Copé, ni NKM, ni Le Maire ne gagneront la primaire ! Mais ils ont déjà gagné en visibilité. Ce qui, traduit dans le paradigme actuel, signifie le droit à un portefeuille ministériel. Evidemment, tout un chacun sait que ce n’est certainement pas leur motivation première, qu’ils sont d’abord candidats pour faire valoir leurs idées -plus novatrices les unes que les autres- mais le résultat et là : la primaire ne change rien. Elle ne fait que confirmer les vilains penchants de la démocratie. Pour pimenter le tout, le système des primaires porte en son sein un grave problème ontologique : si elle est ouverte et que tout le monde y participe, la primaire n’est qu’un doublon du premier tour de la présidentielle qui devient alors redondant. Si elle se veut fermée c’est pire, elle brise l’universalité du suffrage en introduisant une discrimination par l’orientation politique et favorise la surenchère pour satisfaire des militants qui, par définition n’ont pas les idées les plus nuancées qui soient (allez à un meeting politique, vous verrez !). Dans une démocratie suffocante, comme une réaction de panique, le choix a été fait de multiplier les scrutins. Mais la démocratie ne se limite pas au seul vote, et le fait de voter plus de garantit en rien une meilleure démocratie. Il ne s’agit donc que d’un écran de fumée qui veut nous faire croire que la démocratie change et se modernise, mais en utilisant les mêmes recettes, avec les mêmes hommes et avec les mêmes travers. C’est un changement de fond qui est attendu, et pas des ajustements cosmétiques. Néanmoins, petit rayon d’optimisme dans ce billet bien sombre : rassurez-vous, ce n’est pas qu’un problème franco-français. Les primaires ça ne marche pas très fort aux Etats-Unis non plus : la victoire d’un certain Donald Trump aurait d’ailleurs peut-être dû nous mettre la puce à l’oreille. Baptiste Morche, étudiant à HEC.
0 Commentaires
Laisser un réponse. |
AuteurÉcrivez quelque chose sur vous. Pas besoin d'en rajouter, mentionnez juste l'essentiel. Archives
Juin 2017
Catégories |
L'Objectif est un journal contributif de la jeunesse. For the Youth. By the Youth. Pour vous. Par vous. Pour contribuer, envoyez votre texte à [email protected].
Nous sommes des étudiants, des jeunes de différents horizons, cultures, pensées, animés par une même passion et une même envie: changer les choses qui doivent l'être. Pour cela, commençons par écrire de manière engagée et authentique, et il n'y a pas meilleur moyen que le journalisme. Et vous dans tout ça? Vous êtes inclus dans le Nous, si vous voulez nous rejoindre et mener ensemble notre projet. |