A contempler l’état de la droite française, on finit par se dire que l’identité n’est ni heureuse, ni malheureuse, mais dangereuse. Il n’est pas un jour qui s’écoule sans que, parmi Les Républicains, des voix s’élèvent, tenant des propos où la légèreté le dispute à la dangerosité, l’incompétence à l’ignorance, le cynisme à l’arrivisme.
Ces derniers jours, ces dernières heures, se sont ainsi succédées des déclarations qui disent une droite française malade du virus identitaire comme jamais elle ne l’a été depuis les années 40. La folie médiatique burkini a lancé les uns et les autres dans une course à la surenchère médiatique. Sarkozy, Fillon, Wauquiez, mais aussi Nathalie Kosciusko-Morizet… C’est à celui qui osera la plus grosse des énormités, prononcera la plus absolue stupidité, le tout dans le but de complaire à un électorat de droite qui serait saisi par le vertige identitaire, vautré dans le populisme chrétien, et qui ne demanderait qu’à être inquiété, affolé, apeuré par le spectre du musulman qui le menacerait de le remplacer… Commençons avec François Fillon. Voici l’ancien Premier ministre, candidat à la Primaire qui, lors de son discours de dimanche dans la Sarthe, déclare : « J’ai réclamé le contrôle administratif du culte musulman tant que son intégration dans la République ne sera pas achevée ». Le présupposé est intéressant. « Le culte musulman » ne serait pas encore intégré dans la République. Et le propos vise tous les musulmans, sans distinction. Tous présumés coupables de ne pas avoir achevé leur intégration républicaine. Tous suspects. Tous encore un peu étrangers, finalement, du fait de leur religion… Et tant pis pour l’imam de Bordeaux, entre mille exemples, plus républicain que bien de ceux qui se baptisent «Les Républicains » et menacé de mort par l’Etat islamique. Le musulman français est comme l’homme africain face à l’histoire, il n’est pas encore assez entré en République. Pauvre Philippe Séguin… Que de bêtises proférées en son nom… Quand NKM se fait clouer le bec par Yann MoixContinuons le tour d’horizon des déclarations du weekend. Voici Nathalie Kosciusko-Morizet sur France 2, dans l’émission On n’est pas couché. Elle proclame qu’elle a déposé un projet de loi destiné à mettre hors la loi le Salafisme. Face à elle, Yann Moix a eu beau jeu de lui dire que mettre hors la loi des idées, c’est vouloir « interdire le vent ». Mais NKM persiste. Le burkini, c’est le salafisme, alors interdisons le salafisme. Yann Moix, d’un coup, démasque l’imposture. Il demande à la candidate à la présidence de la République ce qu’elle pense de l’article 2 de la loi de 1905. Et là, c’est le naufrage. NKM l’ignore. NKM parle laïcité, identité et fait religieux, mais elle méconnait, en toute incompétence, la base républicaine en la matière. Alors Yann Moix lui cite l’article, « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». L’œil de NKM s’éteint. Prise la main dans le sac de l’ignorance. Et Yann Moix l’achève, en lui lisant les propos d’Aristide Briand, l’un des pères de la loi de 1905, qui jugeait stupide d’interdire dans l’espace public la soutane, le burkini de l’époque, au motif qu’un vêtement proscrit serait remplacé par un autre, que cela générerait des tensions et que pour combattre des idées, rien ne vaut des idées. Surtout l’idée de liberté. Poursuivons encore avec Laurent Wauquiez. Toujours muni de ses éléments de langage énoncés en deux cents mots, le nouveau président de Les Républicains est l’invité de BFM TV ce dimanche. Identité, identité, identité… Et la laïcité, encore et toujours triangulée, détournée, dévoyée pour les besoins de la cause identitaire. Au détour d’un échange, il est objecté à Laurent Wauquiez qu’interdire un vêtement parce qu’il refléterait une pensée contre l’idée qu’il se fait de la France serait anticonstitutionnel. Et Wauquiez de répondre : « J'en ai assez que l'on s'abrite derrière la Constitution. » La constitution, insupportable rempart qui empêche de transformer l’insécurité culturelle en printemps français des réactionnaires. Le propos de Wauquiez est hallucinant. Placé dans la bouche de Jean-Marie Le Pen, en 1990, 2000 ou 2010, il aurait déclenché une tempête médiatique majeure, soient des jours et des semaines à disserter sur la tentation putschiste du président du FN. Mais en 2016, rien. Lorsqu’il s’agit du président en titre du grand parti de la droite dite classique et républicaine. Personne ne bouge. Tout passe, tout lasse. Même Caroline Fourest, face à Laurent Wauquiez, ne relève pas le sens et la portée du propos. Pour Sarkozy le burkini vaut bien un changement constitutionnelPoint d’orgue de la représentation identitaire, terminons avec Nicolas Sarkozy qui, ce lundi matin, vient tirer sur RTL les conclusions pour tous, par-delà les ambitions personnelles. Pour interdire le burkini, il faut « changer la Constitution s'il le faut ». Et l’ancien président de s’interroger : « Qu'est-ce-que la liberté face à la tyrannie des minorités ? » Et nous aussi de s’interroger : quelle est donc cette minorité dite Les Républicains qui entend imposer l’idée qu’elle se fait de l’identité à tous, y compris aux minorités ? Fillon, NKM, Wauquiez, Sarkozy... Ainsi prospère l'identité dangereuse. Face à ce déluge d’absurdités dictées par la maladie identitaire, sur fond de remise en cause de l’héritage de 1789, avec la lutte contre le burkini (ultime objet des passions identitaires) le salafisme et l’islamisme en guise d’alibi, Alain Juppé persiste à se poser en candidat de la raison et du compromis. « Pas de loi de circonstance » sur le burkini a-t-il répété tout au long de ses interventions du week end consacrant sa rentrée politique. Soit. Dont acte. Mais Alain Juppé apparait désormais de plus en plus décalé au sein de la droite et du centre. Isolé. Encerclé. Ainsi va se jouer la Primaire. Entre l’héritier de Renan et Tocqueville, confronté à ceux de Maurras et Déroulède. Entre un conservatisme bourgeois traditionnel, qui se refuse à abdiquer la possibilité d’une identité heureuse, et une tentation réactionnaire identitaire, qui entend saisir la chance historique qui lui offerte d’effacer, en tout ou partie, le legs des Lumières et de 1789. Certains à gauche, pensent que la Primaire de la droite va provoquer une forme d’implosion. Sarkozy serait le candidat de l’identité telle que la rêverait la droite profonde, et non Juppé. Mais la droite profonde serait dans le même temps rétive à Sarkozy, lui préférant le rassurant Juppé, au motif que lui seul peut battre la gauche sans coup férir. La Primaire porterait une contradiction. Sarkozy, ce serait l’identité, mais pas la victoire. Juppé, ce serait la victoire, mais pas l’identité. Ici se mesure la difficulté Juppé. La Primaire est avant tout une élection de mobilisation de clientèle, par nature fédératrice des énergies militantes et sympathisantes les plus débridées. Question : comment Alain Juppé peut-il triompher au sein d’une droite ravagée par l’identitaire au point d’en devenir dangereuse, tout en étant soi-même le candidat de la droite la plus modérée et tempérée ? Voilà bien l’enjeu historique, qui dépasse même la personne du maire de Bordeaux. Tradition gaulliste contre tentation pétainiste. Saison 2. Bruno Roget-Petit pour Challenge http://www.challenges.fr/politique/20160829.CHA2729/sarkozy-nkm-fillon-juppe-face-a-la-droite-de-l-identite-dangereuse.html
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Juin 2017
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