“We wanted flying cars, instead we got 140 caracters” Peter THIEL
La valeur a-t-elle un sens? Pourquoi le créateur de Flappy Bird (ce jeu addictif car débile) a touché des centaines de k$ en très peu de temps alors que tant de start-ups dans les biotechs - secteur d’avenir pour les financiers et UTILE à la société - mettent des années à percer, si tant est que leurs recherches soient concluantes? La question de la valorisation dépend du marché: s’il y a une demande, des utilisateurs, que ça leur apporte de la satisfaction d’y jouer dans le métro, alors c’est que ça vaut quelque chose: le prix que ces utilisateurs payent pour télécharger cette app, le prix que les publicitaires sont près à mettre pour atteindre l’audience des joueurs ou accéder à leurs données, le prix que les premiers investisseurs ont mis, pensant déjà à l’exit, au prix que de plus gros investisseurs seraient près à mettre. On fait là de la rentabilité attendue le coeur du business model, c’est le business sold; on s’appuie sur ce que l’on pense que les autres pensent de la valeur, c’est de la théorie des jeux et du comportement moutonnier. On vit dans une société de consommation, société de loisirs, du coup il ne faut pas s’étonner s’il y a des divergences sur la notion d’utilité. Quelle valorisation pour ces entreprises ? Elles se posent sans doutes elles-mêmes la question ; tout autant que les banques, les boites industrielles… Les données? Le nombre d’utilisateurs (selon la loi de Metcalfe, la valeur d’un réseau augmente proportionnellement au carré du nombre de personnes dans ce réseau)? L’utilité pour la société, et pour les individus? Beaucoup de ces boîtes ont valu des milliards avant d’avoir un business model, une monétisation, comme par exemple Snapchat. De ce point de vue-là pas de grand changement : la valeur dépend du marché, des perspectives de croissance, des achats-ventes d’actions en bourse ! Actifs tangents ou incorporels, balek. L'éducation Ceci étant dit, tout cela amène à une allocation des ressources (aussi bien l’argent que le capital humain) telles que beaucoup de ressources vont dans la tech informatique, et pas tant vers les biotech, cleantech, greentech… Ainsi, faire du code la panacée au primaire ou au collège n’est pas une solution. Il faut aussi continuer à inculquer le goût des autres types de sciences contenues dans l’acronyme STEM (Sciences, Technology, Engineering, Mathematics). Si tout le monde se rue sur le code, la demande sera comblée en informatique, mais sera très forte pour la biologie, la chimie… D’aucuns se désolent du coût d’opportunité représenté par les gains de productivité qu’on aurait pu avoir dans ces secteurs s’ils avaient atteint ceux de l’informatique, si on y avait investi autant qu’en informatique. L’argent va où le marché - financier comme celui des consommateurs - le guide. Il y a une sorte de désenchantement exprimé par la phrase de THIEL: tant de progrès pour ça. Bon, au moins, la société de loisir n’est pas nocive, mais change-t-elle vraiment les choses? C’est pour faire rêver les PhD de Stanford et Harvard qu’une boîte comme Google fait intervenir Raymond KURZWEIL, qui partage avec Laurent ALEXANDRE l'idée d'une "mort de la mort", ou crée le GoogleX, mystérieux donc attirant. Evgueny MOROZOV dit que c’est un joli coup marketing pour une boîte qui n’est finalement qu’une régie publicitaire qui ne s’assume pas. L’écosystème tech, ce sont des poupées russes imbriquées les unes dans les autres: on a d’abord le hardware (PC ou Mac), puis le software (Microsoft ou Apple, ou les logiciels d’entreprises tels que le CRM, les ERP), enfin le WWW et tout ce qu’il contient, comme par exemple Facebook. A l’intérieur de Facebook, si on continue à creuser, on trouvera Zynga par exemple; sur iOs, on trouvera des apps. Ces apps ne valent rien sans Facebook ou Apple mais leur rapportent gros, il y a donc interaction, symbiose. Un nouveau modèle économique, tout de même La sharing economy, ou plutôt la lending economy permise par la tech est un des nombreux exemples d’abaissement de frontières et barrières à l’entrée qu’on ne soupçonnait même pas auparavant. On parle du modèle AirBnb, de l’ubérisation des économies, de la destruction des rentes et des corporations (les taxis aujourd’hui, les avocats demain) par la désintermédiation, car qui dit intermédiaire dit commission. Par ailleurs, on assite à une dématérialisation de la chaîne logistique, on se passe de magasins, on envoie par la poste directement, voire on crée la poste, comme Google Express ou les drônes d’Amazon. Enfin, comme l’a dit un jeune entrepreneur qui a droppé HEC, la tech n’est pas un secteur vertical, mais plutôt horizontal; en Français, ça veut dire que la tech n’est pas un secteur comme l’agriculture, la banque, l’industrie chimique… Mais qu’elle s’insère au sein de chacune, y est indispensable, et même participe à son renouveau. C’est à ce titre que le collectif “Les Barbares attaquent” montre que la tech “disrupte” tous les secteurs, à tous les niveaux, comme une sorte de composant indispensable, d’ingrédient secret magique pour que l’alchimie fonctionne. Penser la révolution de la pensée! Avec les géants de la Tech, on a vu qu’on assistait à une refondation de l’économie, mais pas tant de la science économique. Assiste-t-on par contre à une nouvelle manière de concevoir les sciences humaines, l’humanité? L’homme a créé un monde nouveau avec le web; une science nouvelle avec l’informatique; de nouvelles manières d’être (informé mais pas que), de nouvelles identités, de nouveaux horizons scientifiques et technologiques et débouchés commerciaux. Humain, trop humain, plus humain? Le transhumanisme, ce n’est pas que vivre plus longtemps, avoir des puces intégrées dans le corps, c’est aussi et surtout un changement dans la manière de travailler, de s’informer, des changements quotidiens. Cela ne suffit pas aux géants de la tech, qui veulent non seulement changer la manière dont on fait les choses (c’est déjà fait), mais en plus changer les choses que l’on fait. Ils ont réussi la première, la deuxième est-elle souhaitable? Internet, la technologie, l’intelligence artificielle: toutes sont des créations ad hoc, ex nihilo, contrairement aux sciences dures de la nature, telles que la physique, la chimie, les maths, où l’homme ne fait que découvrir ou démontrer ce qui existe a priori ou est en droit d’exister a priori. L’homme se fait D.ieu, et ce n’est pas pour rien que c’est à côté de l’université Stanford, dans la Silicon Valley, qu’il est tagué que: “D.ieu est mort, signé Nietzsche. Nietzsche est mort, signé D.ieu”. Le progrès technique et technologique ne s’accompagne pas du progrès moral, on le sait depuis que ROUSSEAU a émis cette idée de la perfectibilité du progrès moral chez l’homme. La science-fiction, de Frankenstein, ce Prométhée moderne qui a trop joué avec le feu et la technique, sert de divertissement et de garde-fou inconscient. Même l’un des entrepreneurs tech les plus révolutionnaires et les plus ambitieux qui soit, Elon Musk, déclare qu’il ne faut pas réveiller le démon, ouvrir la boîte de Pandore, sinon c’est Terminator qui guette, et du progrès pour rien, ou pour le Mal. Gare donc à ce ré-enchantement du monde. DC vs Silicon Valley? Ou quand les geeks se veulent une alternative au(x) politique(s) On a évoqué Thiel et son projet politique. Les liens de la Silicon Valley avec le politique sont ambigus: d’une part on veut s’émanciper du politique, des politiciens et de leurs bassesses, et le web serait un formidable instrument de démocratie et de transparence, comme le montrent Wikileaks ou Snowden. D’autre part, Snowden est arrivé parce que la NSA collaborait avec Google. On veut devenir le politique, l’humain, et ça, ça fait peur. Ca fascine et ça effraie, à tel point qu’on essaie de museler les grandes entreprises de la tech, à tort ou à raison: par l’action économique et les actions anti-trust (amende de Microsoft), et à terme en tentant de monter la population contre eux, en en faisant une sorte de Templiers modernes à brûler. Tout en même temps, on tente de détruire le sorcier des Temps Modernes de l'autre camp, et on utilise contre lui le champion national: dans le cas Galaxy vs iPhone, les deux pays ont rendu des jugements différents sur la question du plagiat. Google d'Amérique est tout de même bloqué en Chine: la mondialisation de l'information n'est pas totale. Les Etats-Unis fermeraient ainsi plus facilement les yeux sur les abus de position dominante de Microsoft ou Google que l'Europe. A voir, enfin, les effets de l'e-révolution sur la démocratie, le politique et les idéologies: on s'émerveillait de la révolution Twitter en Egypte en 2011, on l'a oubliée. On parle parfois e-administration, d'un crowdsourcing du pouvoir, d'une liberté de l'individu qui surfe sur le Net, est libre de choisir parmi les milliards de pages web, peut savoir ce qu'il se passe dans le monde et dans sa communauté et agir en conséquence, en connaissance de cause. On sait aussi que le Net propage des idées parfois très extrémistes... Gaspard KOENIG écrirait dans son dans son dernier ouvrage, Le révolutionnaire, L'expert et le geek. Combat pour l'autonomie que "ce monde que la Silicon Valley nous prépare arrivera vite en France, avec des conséquences importantes pour notre conception de l'individu, de l'Etat et de l'autonomie.", lui qui voit en "l'utopie technologique" - voire technologiste - aussi bien des menaces qu'un potentiel, celui de libérer l'individu dans sa quête d'autonomie, de liberté, de libéralisme.
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![]() La 3ème Révolution industrielle (4ème selon certains) chère à Jeremy RIFKIN que nous vivons se distingue-t-elle fondamentalement des autres révolutions industrielles ? Machine à vapeur et Internet : même combat ? Après la crise dotcom de l’an 2000 – ou an 24 après Apple I – les GAFA ont émergé sur des bases solides et surfé sur des vagues d’utilisateurs, le grand public ayant paradoxalement commencé à avoir accès à Internet au moment où l’Internet n’était pas au mieux, d’un point de vue financier. A partir de 2014, des voix ont commencé à s’interroger sur la soutenabilité de la croissance du secteur – voyez, on utilise les mêmes mots que pour l’ancienne économie, les mêmes maux aussi, on y reviendra. Les analystes financiers commencent à redouter le krach du NASDAQ. Ici on se pose la traditionnelle question : les arbres montent-ils jusqu’au ciel ? Si oui, la croissance est-elle linéaire ou accidentée et mouvementée ? L’entrée en bourse de Facebook en 2010 a été une déception, donc le marché a “corrigé” comme à son habitude les sur-valeurs, ce qui amortira le krach si krach il y a, et il y aura sans doutes ; le cours de l’action Apple vole plus haut que le ciel ; dès qu’il croîtra moins vite, ou qu’il baissera, ça sera la panique sur les marchés financiers, où les esprits moutonniers auront bien vite fait de reprendre le pouvoir. Il ne faut pas oublier d’associer trois gars dans une telle analyse : le financier, le geek, et l'utilisateur. Finance. Tech. Marketing. Je m’y connais pas encore trop en finance, si ce n’est que je sais que mon président n’aime pas ça, mais je sais une chose : la lassitude des consommateurs est une donnée qui ne rentre pas toujours en compte dans l’analyse financière. La lassitude dépend également de l'existence d'alternatives valables à Google et Facebook, et de leur réponse à ces outsiders-challengers. Même l'ultra-puissante holding Alphabet (Google pour la régie publicitaire qui va de pair avec le moteur de recherche, GoogleX pour les projets fous) a ses limites: les politiques anti-trust, les recherches sur Pinterest (images), sur Amazon (achats), les ad-blockers (ces logiciels sympas qui bloquent les pubs, l'essayer c'est l'adopter, comme 120 millions de personnes, soit 10% du CA de Google), la concurrence de Facebook pour la pub mobile. Toutefois, Google est encore loin d'être un colosse aux pieds d'argile, et reste solide sur ses appuis. Déjà, rassurons-nous : les fondamentaux des très grosses entreprises de la tech actuelles sont beaucoup plus solides qu’à l’époque, même si ces entreprises sont sans doutes survalorisées. Les entreprises de la tech ont d’ailleurs moins souffert de la crise économique de 2008 que les autres. Leur cycle, leur nature, leur amplitude seraient-il différents des crises « classiques » ? Peut-être bien. En 2000, la crise avait été une légère brise ressentie dans nos vies quotidiennes, contrairement à 2008. Carlotta PEREZ observe que lors des précédentes révolutions industrielles, la phase ascendante d’un cycle long d’environ une cinquantaine d’années n’est pas toujours linéaire et bienheureuse : il y a une première montée en flèche, nourrie par la spéculation financière et l’engouement, qui se solde par une bulle, une période de stagnation et de refroidissement s’ensuit, pour aboutir à une période de croissance plus importante, plus longue et plus stable. Dessinez un S: c’est ça, ça monte, ça stagne, ça remonte. Ensuite, quand crise il y a, et il y a, les remèdes sont encore traditionnels : baisse des taux, afflux de monnaie-hélicoptère comme le disait le bon vieux Milton Friedman. En 2003-2004, Alan GREENSPAN, le gouverneur de la FED arrose de liquidités le marché, ce qui alimente la crise des subprimes. Le "Nobel" d'économie KRUGMAN parlera même des "bulles de Monsieur Greenspan" dans Pourquoi les Bulles. Le quantitative easing actuel, européen aussi bien qu’américain, s’il permet de résorber la crise, va financer des investissements, ce qui est cool, mais aussi la spéculation, jusqu’à ce que la baignoire déborde et que l’on ferme le robinet monétaire. En faisant un raccourci, on peut dire que la crise de l’industrie et de la banque a financé la tech. Les remèdes d’une crise créent les conditions d’une nouvelle crise: 2000 engendre 2004 qui crée 2007 qui créerait 2016?Affaire à suivre... Si le marché financier peut s’emporter et porter aux nues des tocards, des licornes sans cornes, le marché « réel » des consommateurs les remettra à leur place. Ca c’est pour le côté négatif de l’investissement. Pour le côté positif, les liquidités finance la R&D, des externalités positives, l’expansion du web à de nouvelles zones (on verra si c’est positif pour les prolétaires de tous les pays, face au nouveau grand méchant capital numérique qui s’étend à de nouveaux marchés, de nouvelles zones géographiques, comme le devinait MARX), et à de nouveaux secteurs, tels que la finance (crowdfunding sur Indiegogo ou KickStarter, prêt entre particuliers grâce à LendingClub). Ainsi la tech peut-elle subir les affres des marchés financiers, des cycles financiers qui lui seraient propres, et s’attaquer aux rentes de la finance, grâce à la fintech. |
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Janvier 2017
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