Chômage, précarité et dépendance sont le triptyque auquel nous les jeunes semblons être destinés. C’est en tout cas le fatalisme dans lequel nous confortent ceux qui nous gouvernent et dont les réformes ciblent prioritairement les seniors, cœur de leur électorat. Le résultat est sans appel, la génération Y, qui est celle de la créativité, du numérique et de l’humanisme est aussi celle qui est la plus abîmée. Un déclassement bien présent Ces dernières semaines, les études se sont multipliées pour essayer de cartographier la jeunesse. L'étude du Pew Research Center nous apprend que le salaire médian des jeunes Américains a baissé de 11 % en 35 ans, quand celui de leurs seniors a bondi de 37 % sur la même période. En France, selon une étude de l'INSEE datant de juin dernier sur la situation sociale des jeunes, notre salaire moyen est de 1060 EUR, soit 75 EUR de moins que le SMIC et exactement deux fois moins que les 2125 EUR perçus par la population global. Il y aujourd'hui 40 millions de jeunes de l'OCDE qui sont au chômage. En France 1 jeune sur 6 est un NEET - une nouvelle comptabilité qui dénombre ceux qui ne sont ni en formation, ni emploi, ni en études - et dispose donc d'un aller simple pour la précarité sans passer par la case rebond ou seconde chance. Une jeunesse surendettée Et comme si cela n'était pas suffisant, le FMI vient de dévoiler que la dette des états équivaut à 225 % du PIB mondial. En France nous pouvons nous réjouir, elle n'est que de 98,4 % selon l'INSEE, soit juste 359 jours de création de richesse nationale. Ce n'est pas très grave, car ceux qui sont les payeurs ne sont pas les débiteurs, c'est la magie de la dette publique, " je dépense et tu rembourses, mon enfant". Herbert Hoover avait tout compris, " bénis soient les jeunes, car ils hériteront du déficit budgétaire de l'État". Un héritage qui se matérialisera sûrement par l'absence d'État providence et de protection sociale dont les générations précédentes ont usé et abusé hors de la raison. "Tant pis, nos enfants paieront" titrait François Lenglet dans son dernier ouvrage, mais c'est sûrement le crédo qui a dû animer pendant nos années nos aînés. Une précarité de plus en plus présente chez les jeunes " Ce n'est pas grave, tu feras des études supérieures pour t'en sortir". C'est vrai que c'est utile de chercher à se différencier quand on a comme objectif de diplômer 80 % d'une classe d'âge pour se rapprocher des standards de nos voisins. Le diplôme ne protège aujourd'hui plus de la précarité : la moitié des jeunes de moins de 30 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté, et 10 % des SDF sont titulaires d'un grade de l'enseignement supérieur selon la dernière étude de l'INED et de l'INSEE . Une étude qui a d'ailleurs fait les gros titres pendant quelques heures avant d'être inévitablement bâillonnée par le cambriolage de Madame Kardashian. Pour enrayer la crise du logement chez les jeunes, le gouvernement avait pourtant lancé en 2012 un plan de construction de 40 000 logements à destination des étudiants. À 7 mois de la fin du mandat, seuls 67 % des logements sont construits. En voyant cette situation, on peut comprendre les derniers résultats du baromètre de la DREES parus en août 2016, qui nous apprennent que 44 % des 18-24 ans jugent qu'ils vivent moins bien que leurs parents à leur âge. Les espoirs déchus de la jeunesse Pourtant nous avions cru à des jours meilleurs. " Si je suis élu, un jeune vivra mieux en 2017 qu'en 2012" était une promesse à laquelle de nombreux jeunes ont cru, suffisant pour amener 53 % d'entre eux à voter pour ce candidat. 4 ans plus tard, 25 % d'entre nous sont au chômage - 3 points de plus qu'en 2012 - quand seulement 7 % des jeunes actifs allemands le sont. La seule réponse qu'on nous donne aujourd'hui est : c'est la faute à " pas de bol". Pour lutter contre ce fléau que représente le chômage, les sénateurs ont proposé, dans l'indifférence la plus totale, la création d'un nouveau contrat jeune . Il prévoit d'allouer l'enveloppe prévue pour la création du RSA jeune - évaluée entre 4 à 7 milliards - en baisse de charges pour ceux qui emploieraient un jeune de moins de 25 ans. Sans condition de qualification ou secteur d'activité, ce contrat ne pourra pas dépasser 15 heures de travail hebdomadaire. Une bonne initiative pour une fois de vouloir réformer structurellement le marché de l'emploi des jeunes plutôt que de vouloir utiliser l'opiacé le plus répandu de notre époque : la dépense publique. Mais il y a fort à parier que cette proposition sera retoquée par l'Assemblée nationale et le gouvernement, ce dernier ne voulant pas s'infliger le spectre d'un CPE bis à 7 mois de l'élection présidentielle. Ne pas attendre le changement, mais le provoquer
Il n'y a plus qu'à espérer que notre génération, contrairement aux anciennes jeunesses, ne se résigne pas, mais se révolte. Malheureusement, cette révolte ne prend pas aujourd'hui la bonne forme : 30 % des jeunes votants se tournent vers le FN, preuve de l'ampleur de leur désespoir. Mais c'est plus le signe d'un ras-le-bol conjoncturel lié au désespoir du déclassement, que d'une adhésion perpétuelle. Notre génération doit se préparer à être actrice de la révolution numérique et citoyenne qui approche, car nous sommes les plus à même de la comprendre et de l'accompagner. La transformation de notre société est indéniable. Mieux redistribuer la parole citoyenne, profiter du numérique pour faire évoluer notre rapport au travail et gommer les inégalités, adapter notre système de protection sociale ou encore changer de logiciel politique sont autant de défis qui nous attendent et que nous devons provoquer par la révolution qui s'annonce. C'est à cette condition que nous pourrons "renverser la table", rebattre les cartes pour réorienter le jeu et résorber la situation que nous dénonçons. Mais si nous nous faisons aussi confisquer cette révolution par nos aînés, nous n'aurons plus qu'à espérer que jeunesse se passe vite, pour arriver dans une classe d'âge où nous serons plus confortablement installés et où la précarité pourra plus difficilement nous atteindre. Ce jour-là nous n'aurons plus grand intérêt à changer quoi que ce soit dans ce monde, et pour garder nos acquis nous devrons juste nous contenter de répéter à nos enfants "Sois jeune et tais-toi". Erwann Tison
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Janvier 2017
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