Affaire Mehdi Meklat : « Des propos orduriers qui peuvent provoquer des dégâts politiques »2/23/2017 Chouchou médiatique:
Du Bondy Blog à France Inter, plusieurs médias qui ont encouragé et promu l'auteur de tweets haineux se sont désolidarisés, tout en trouvant parfois des excuses au jeune journaliste. L'affaire Mehdi Meklat est d'abord une affaire médiatique. Le jeune homme, qui posait en une des Inrockuptibles avec Christiane Taubira était un tweetos compulsif, enchaînant des messages de haines injustifiables sur le célèbre réseau social. Il avait fait ses classes au Bondy Blog, le site créé après les émeutes de 2005 pour donner la parole aux banlieues, puis avait sévi avec son ami Badrou chez Pascale Clark sur France Inter, avant de travailler occasionnellement pour Arte et Libération. «Mehdi n'est pas un petit énervé isolé. Le Bondy Blog, Inter, Arte, Le Seuil… il a dégainé tour à tour de prestigieuses cartes de visite au sein desquelles la virulence de ses délires sème l'effroi et sur lesquelles elle jette le doute, et ce dans une période où on s'empresse de discréditer systématiquement la presse. (…) Les médias qui l'ont employé auraient dû se montrer bien plus vigilants» estimait mercredi matin, Sonia Devillers sur France Inter. Les médias qui l'ont promu et employé se sont retrouvés assez gênés par ces révélations. A commencer par le Bondy Blog, où Meklat a signé plus de 200 articles, qui a été l'un des premiers à réagir dimanche dans un communiqué se désolidarisant de «tweets qui n'engagent en aucun cas la responsabilité de la rédaction». «Puisqu'il y a des évidences qu'il faut affirmer, le Bondy Blog ne peut cautionner des propos antisémites, sexistes, homophobes, racistes ou tout autres propos discriminatoires et stigmatisant, même sur le ton de l'humour.» Pascale Clark, qui avait mis le pied à l'étrier de Mehdi sur France Inter, a elle, continué à le défendre sur Twitter: «A l'antenne, Medhi Meklat ne fut que poésie, intelligence et humanité», dit-elle. Les Inrocks, qui ont mis deux fois Meklat en Une, la dernière il y a trois semaines avec Christiane Taubira, s'en sortent avec un éditorial embarrassé de Pierre Siankowski, directeur de la rédaction. Il explique avoir connu Mehdi et Badrou à Cannes en 2012, sans avoir eu connaissance des messages haineux sur Twitter. «Ces tweets sont abominables, abjects, et certains pris comme tels sont tout simplement antisémites, racistes et homophobes. Rien à dire là-dessus. C'est extrêmement grave et choquant et on ne peut que condamner ces «S'il s'agissait d'un identitaire, d'un militant Front national, aurais-je tant de scrupule? L'argument porte.» Claude Askolovitch propos.» Mais, ajoute-t-il: «Les Inrockuptibles ont encore moins à s'excuser, a posteriori, d'avoir publié des textes ou des propos de Mehdi Meklat antérieurs à la polémique qui entoure ses tweets. Relisez attentivement ces textes, ils sont tout simplement l'inverse de ce qui a été retrouvé sur son Twitter. Ce sont des textes beaux et puissants». Le journaliste Claude Askolovitch, qui prend très régulièrement la défense des musulmans, s'est lancé dans une longue explication embrouillée dans Slate: «S'il s'agissait d'un identitaire, d'un militant Front national, aurais-je tant de scrupules? L'argument porte.», admet le journaliste. L'inexcusable Il y a quelques mois, j'ai décidé d'être définitivement “Mehdi Meklat” sur Twitter. D'être moi. J'ai tué Marcelin Deschamps, ce personnage que j'exècre. " Autrement dit, Mehdi Meklat se transforma en une créature maléfique qu'il a baptisée Marcelin Deschamps mais qu'il a fini par ne plus supporter. Etrange ressemblance avec le héros du célèbre roman de Robert Louis Stevenson, L'Etrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Hyde tue Jekyll (est-ce peut-être l'inverse ?). Mais cela reste un roman. Une œuvre esthétique donnant prise à l'interprétation psychanalytique. Nous ne sommes plus du tout dans la même configuration avec Mehdi Meklat, qui a déversé sur Twitter, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, pendant des années, des propos violemment racistes, antisémites, sexistes et homophobes. Il est dans le monde social (et les réseaux sociaux en font partie). Il nous dit : " Ces outrances n'ont rien à voir avec moi. " C'est trop facile. Bien entendu, et cela ne doit faire l'ombre d'aucun doute, ces propos ont à voir avec leur producteur, même lorsque celui-ci se cache sous un pseudonyme. Ce qui a été publié sur les réseaux sociaux par " Marcelin Deschamps " n'exonère en rien Mehdi Meklat des responsabilités qu'il a prises en toute connaissance de cause. Ne se dit-il pas " journaliste " ? Sa responsabilité morale est indéniable et absolue. Il a agi librement et il a été lui-même la cause de ses actions, en particulier en proférant ses très nombreuses insultes sordides visant explicitement des populations définies par leurs caractères physiques et biographiques supposés immuables (confession, orientation sexuelle, genre, etc.).attentat sans victime Après tout, nous aurions parfaitement pu concevoir une irresponsabilité de l'action de ce " journaliste " si ses actions envers la société n'avaient affecté personne d'autre que lui-même. Mais ce n'est pas le cas puisqu'ils ont été très nombreux à avoir fait part de leur indignation, horrifiés que de tels propos puissent avoir cours pendant si longtemps sans réaction de journalistes, des pouvoirs publics et de la justice. Comme s'il suffisait de dire que, " à travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d'excès et de provocation " pour se faire excuser de mener une telle expérimentation. L'" excès " et la " provocation " n'ont nullement besoin d'être " questionnés " à l'aide de cette procédure. D'ailleurs, ces deux manières d'être, qui en réalité n'en font qu'une, ont, sur la Toile et quelques médias papier, un espace illimité pour se déployer quasiment sans frein d'aucune sorte. Quels sont les impératifs pédagogiques qui nécessiteraient d'y apporter ce type de contribution nauséabonde ? Ce à quoi n'a pas réfléchi l'auteur (réel et fictif), c'est que son acte inlassablement répété pendant trop longtemps n'a pas seulement offensé nominativement des personnes et des groupes (" Faites entrer Hitler pour tuer les juifs ", " Vive les PD vive le sida avec Hollande ", " Je crache des glaires sur la seule gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo ", etc.), il a aussi porté préjudice à des individus particuliers. L'offense est un attentat sans victime car on ne peut identifier celle-ci sous la forme concrète d'un corps et d'un nom (on peut offenser Dieu mais en aucun cas celui-ci ne peut être une victime). En revanche, nous sommes bien, dans le cas de Mehdi Meklat, alias Marcelin Deschamps, dans l'ordre du préjudicequand les discours de haine sont indissociablement des appels à la persécution, à la mort et à l'exclusion violente de la communauté nationale, voire tout simplement le refus explicite pour certains d'appartenir à une commune humanité.adeptes de la " théorie du complot " Il faut le rappeler, encore et toujours, la liberté d'expression n'empêche nullement la commission de préjudices qui peuvent être sanctionnés par le droit. Et cela est si vrai qu'il existe des lois nationales et internationales (que l'on soit favorable ou non à la loi en ce domaine) qui précisent que " la liberté d'expression ne peut être utilisée pour promouvoir le non-respect des droits de l'homme ". Les médias électroniques ne doivent pas échapper à cette contrainte à la fois morale et juridique. Mehdi Meklat n'est pas sans savoir, en tant que " journaliste " familier des réseaux sociaux, que son propos n'a rien de confidentiel. Bien plus, la répétition a banalisé l'injure, le discrédit et la haine des uns pour les autres ; elle a, c'est la nature même d'Internet, multiplié à l'infini, en un clic, le message, c'est-à-dire, au sens strict, le geste consistant à livrer le " contenu d'une communication faite à quelqu'un ". Il n'est pas difficile d'imaginer qui est ce " quelqu'un " : ce sont ces centaines de milliers de personnes plus ou moins intellectuellement fragiles, peu assurées dans leur discrimination entre la rumeur, la fausse information et la vérité empiriquement fondée et vérifiée. C'est aussi sans compter sur cette armée de croyants adeptes de la " théorie du complot " qui, obsessionnellement, sont à la recherche des " vérités partagées ", quand ces essentialismes anthropologiques ne sont pas, pour eux, les " preuves " qui restaient enfouies dans leur inconscient ; celui-ci étant infiniment plus puissant et plus résistant que des préjugés. Aucune preuve rationnelle n'est à même de les convaincre de quoi que ce soit. Parmi ces publics " captifs " se trouvent de nombreux collégiens, lycéens et étudiants. Il n'y a donc aucune difficulté à imaginer les dégâts politiques que peuvent produire ces propos orduriers vidés à longueur de journée sur des réseaux sociaux faisant office d'espace de production de la vérité ultime. Avec cette extraordinaire garantie : voir sans être vu ; être manifeste en restant secret. Le risque, qui n'est plus théorique aujourd'hui, est le suivant : celui de prendre les mots pour les choses ; à considérer comme réelles des choses qui n'existent pas. Et quand cette folie s'installe, les mots, au lieu de nouer des liens entre les personnes et les groupes, marquent une déchirure profonde et pour longtemps du lien social. Qu'on ne s'y trompe pas. Les discours sur les réseaux sociaux ne sont pas des phénomènes extérieurs au monde social. Les discours racistes, antisémites, sexistes, islamophobes et homophobes ne portent pas sur la réalité. Ils en font partie. Smaïn Laacher
1 Commentaire
|
AuteurÉcrivez quelque chose sur vous. Pas besoin d'en rajouter, mentionnez juste l'essentiel. Archives
Juin 2017
Catégories |
L'Objectif est un journal contributif de la jeunesse. For the Youth. By the Youth. Pour vous. Par vous. Pour contribuer, envoyez votre texte à [email protected].
Nous sommes des étudiants, des jeunes de différents horizons, cultures, pensées, animés par une même passion et une même envie: changer les choses qui doivent l'être. Pour cela, commençons par écrire de manière engagée et authentique, et il n'y a pas meilleur moyen que le journalisme. Et vous dans tout ça? Vous êtes inclus dans le Nous, si vous voulez nous rejoindre et mener ensemble notre projet. |