Les événements en Turquie compromettent les chances du pays de rejoindre l'UE. Les Vingt-Sept doivent alors songer à lui donner une nouvelle place. Ils ne peuvent se passer de ce partenaire stratégique majeur.La tentative avortée de coup d’Etat par une fraction militaire de l’armée a créé un flottement au sommet de l’Etat, le soir du 15 juillet, alors que les mutins bombardaient l’Assemblée nationale et le siège des services secrets à Ankara, et que les ponts sur le Bosphore, à Istanbul, étaient occupés par des blindés.
Au lendemain de ces événements, la question qui se pose est plus que jamais celle de l’avenir de la Turquie et de l’évolution du régime politique de Recep Tayyip Erdogan. Le président sort incontestablement renforcé de ce nouvel affrontement entre l’Etat profond, c’est-à-dire les tenants du kémalisme à l’ancienne, principalement l’armée, et les islamo-conservateurs incarnés par l’AKP (Adalet Kalk?nma Partisi), le parti de la justice et du développement. Puissance régionale La Turquie a connu, depuis l’accession au pouvoir de l’AKP en 2002, une vaste libéralisation de l’économie. En treize ans, le PIB a plus que doublé, faisant de la Turquie la première puissance économique régionale, devant l’Arabie saoudite ou l’Iran. Ce succès trouve son origine dans plusieurs facteurs. D'abord, la prise du pouvoir par une élite islamo-conservatrice, qui a mélangé libéralisme économique et conservatisme social. Puis, la personnalité d’Erdogan, actuel président, devenu Premier ministre en 2003, qui a stabilisé le gouvernement turc par son autoritarisme emprunt à son ancien passé de maire d’Istanbul et de cadre islamiste incarcéré par l’armée. Enfin, l’AKP qui a habilement joué du processus d’adhésion à l’Union européenne, relancé depuis 2002, pour asseoir son pouvoir à l’encontre des kémalistes, et désormais de Fethullah Gülen . Le chef de la confrérie des Gülénistes, qualifiés de « jésuites » turcs car disposant d’un vaste réseau d’écoles formant l’élite turque, est exilé en Pennsylvanie. Quatre années de crise Cependant, cette période faste de croissance économique et de stabilité institutionnelle a volé en éclats à cause de trois facteurs. Tout d’abord, la Turquie est entrée, depuis 2012, dans une période économique incertaine en raison de la sortie des capitaux et de la défiance des investisseurs à l’égard des puissances émergentes. Ensuite, la Turquie s’est engagée sur le chemin de la guerre en prenant la tête de la coalition anti- Assad, ce qui a conduit à financer et armer indirectement les mouvements d’opposition islamistes en Syrie, puis à s’opposer à la Russie et aux mouvements kurdes. Cet engagement militaire direct a mis fin à la « doctrine Davutoglu », du nom de l’ancien premier ministre turc, qui visait à pacifier la région grâce à la politique du « zéro problème » avec ses voisins. Enfin, les négociations ouvertes avec le PKK, ainsi que le rapprochement avec l’Arménie, ont volé en éclats. Le conflit avec le PKK s’est réouvert, embrasant les régions kurdes en Turquie depuis l’été 2015. Dès lors, la Turquie a dû faire face à deux mouvements terroristes distincts (Daech et le PKK), tout en poursuivant le raidissement autoritaire du régime Erdogan, dont la tentative de coup d’Etat du 15 juillet va achever de convaincre le puissant président de la nécessité de mettre l’armée et les institutions « au pas ». Pays tiraillé Derrière ce grand jeu stratégique, le destin de la Turquie est en jeu – et un peu le nôtre tant ce pays joue un rôle tampon majeur pour les Européens comme l’a montré la crise des migrants – aussi bien son arrimage européen que son émergence économique comme pays quasiment développé. Or, la classe moyenne turque aspire à une évolution stable et démocratique du régime, comme les émeutes autour du parc Gezi à Istanbul, en juin 2013, l’ont démontré. La Turquie est à la recherche de son identité et de sa voie de développement. Faut-il continuer le vieux rêve de rejoindre l’Europe ou trouver son propre « Sonderweg » en renouant avec le rêve impérial néo-ottoman ? La Turquie est tiraillée entre les différentes faces de ses identités : identité occidentale et orientale, mais également identité religieuse et laïque, ou encore démocratique et autoritaire. Un nouvel espace économique Dans ce cadre, il est nécessaire de réfléchir aux relations entre l’Europe et la Turquie, dont l’émergence économique, démographique et le poids régional en font un partenaire stratégique majeur. Selon Nicolas Sarkozy, il est désormais temps pour l’Union européenne de prendre ses responsabilités en arrêtant de négocier une adhésion sans issue. Il a d’ailleurs proposé de créer un Espace commun entre l’Union européenne, la Russie et la Turquie afin d’arrimer nos deux grands voisins. Cette nouvelle architecture pourrait être qualifiée d’Espace de coopération économique et de sécurité (ECES), lequel permettrait d’offrir une perspective commune à Moscou et Ankara, plus que jamais déterminées à retrouver un chemin impérial tsariste et ottoman. Pour Ankara, il s’agit de trouver une juste voie entre l’élite européanisée d’Istanbul et la classe moyenne anatolienne religieuse, symboles d’une Turquie plus que jamais à la croisée des chemins. Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, est membre du Conseil scientifique de la Fondapol Dans les échos: http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-159048-apres-la-tentative-de-putsch-quelle-place-leurope-doit-elle-donner-a-la-turquie-2015590.php
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La France aurait pu remporter son Euro avec de la réussite. Au moins aussi chanceux lors de cette compétition, c'est finalement le Portugal qui repart avec la coupe. Pourtant, sur le long terme, difficile d'accuser les lusitaniens de veine outrageante. Quelque part, tout cela ressemble à un match nul, ou à un juste retour des choses. Le destin du Portugal au cours de cet Euro a peut-être basculé au Stade de France… Non pas lors de la finale, mais bien le 22 juin lorsque, Arnór Ingvi Traustason, offre le but de la victoire à l’Islande contre l’Autriche à la 93ème minute du dernier match de poule. S’il a permis à son pays de chiper la 2ème place de la poule au Portugal, le milieu de terrain Islandais a surtout rendu, sans le savoir, un grand service aux coéquipiers de CR7. Ces derniers sont alors 3ème d’un premier tableau composé de la Hongrie, de l’Autriche et de l’Islande donc. Le tout en proposant un football des plus pragmatiques, pour ne pas dire « à dormir debout », s’attirant ainsi les foudres de la presse et des supporters de toute l’Europe… Mais bien que 3ème, les portugais sont qualifiés (Euro à 24 oblige) et cerise sur le gâteau, ils bénéficient d’un tirage bien moins relevé que… l’Islande. S’en suivra le parcours que l’on connaît… Des matchs qui nous emmèneront au bout de l’ennui contre une Croatie finalement décevante, et des sélections de seconde zone comme la Pologne et le Pays de Galles avec des victoires au forceps, à l’issue des prolongations ou des tirs aux but. A l’aube de la finale, le Portugal a gagné un seul match dans le temps réglementaire et n’a pas montré grand-chose en matière de jeu. Il n’en faudra pas plus pour déclencher mépris et excès de confiance de la part de certains supporters français… Paradoxe. Sommes-nous réellement légitimes pour remettre en cause le parcours de la sélection portugaise ? Faut-il rappeler que l’équipe de France est tombée, au même titre que le Portugal, dans l’une des deux poules les plus faibles de cette Euro ? Faut-il rappeler que nous avons lutté pour nous défaire de la Roumanie, de l’Albanie ou encore de l’Irlande ? Faut-il rappeler également que notre équipe se reposait bien plus sur les exploits individuels d’un Payet ou d’un Griezmann, que sur une réelle identité de jeu, mise à part la seconde mi-temps face aux Irlandais et la première mi-temps du quart contre l’Islande ? N’aurait-on pas signé des deux mains, d’ailleurs, si on nous avait annoncé qu’on jouerait l’Islande en quart de finale de notre Euro ? Enfin, faut-il rappeler que le fait de mener 1-0 à la mi-temps face à des allemands privés de Hummels, Khedira, Mario Gomez puis de Boateng, relève du miracle ? Encore un coup de la désormais célèbre « chatte à dédé » se dit-on alors. Si bien évidemment, résumer ces deux parcours au simple facteur chance est réducteur, on ne peut objectivement pas en faire abstraction. La réussite française semble se poursuivre en finale avec la sortie sur blessure de Cristiano Ronaldo pense-t-on. Mais c’est tout l’inverse ! Ce microséisme va souder toute une nation là où il va en paralyser une autre. Les Bleus ont désormais « l’obligation » de gagner, et donc la peur de perdre. Une pression supplémentaire dont on se serait bien passée pour une finale à domicile... La chatte à dédé (Gignac) choisit définitivement son camp à la 92ème minute, quand le ballon frappe le poteau avant qu’Eder (oui, EDER !) ne termine le travail en prolongation. Cette année le Portugal a eu beaucoup de réussite, mais la France aussi. Mais n’y aurait-il pas une sorte de justice rétroactive dans cette injustice d’un soir ? Gagner un titre international, la France sait faire. A l’inverse, le Portugal était la dernière grande nation du football à ne pas avoir remporté de précieux trophées. Les portugais récoltent finalement la réussite qui les a fuis durant de longues années alors qu’elle proposait alors un football attractif. Les plus jeunes ne se souviendront certainement pas de la main quelque peu discutable sifflée contre Abel Xavier, défenseur portugais, qui offrit à l’équipe de France une qualification en prolongation pour la finale de l’Euro 2000. La défaite en finale d’un Euro à domicile face à une équipe « moyenne » ? Ils ont connu également en 2004 face à la Grèce. Enfin, leur défaite très sévère en demi-finale de la Coupe du Monde 2006 avait fini de sonner le glas d’une nation qui perd. Lors de cet Euro, les tricolores avaient surtout besoin de reconquérir leur public et de réconcilier toute une nation, mission réussie contre l’Allemagne. De son côté, le Portugal avait déjà une audience acquise à sa cause, il ne leur manquait qu’un titre… Chance ou destin, peu importe finalement, c’est chose faite désormais. Le temps du Portugal qui perd est désormais révolu, et les supporters portugais auraient bien tort de ne pas le célébrer. Mohamed Bouhadda Très Cher Monsieur Koenig,
J’ai pu lire avec attention un certain nombre de vos articles dont un m’a particulièrement perturbée, mais jamais je n’avais jamais osé m’élever contre votre plume. La sociologie – celle du vote qui plus est – pouvant être appréhendée sous tous les angles, il ne revenait pas à moi, profane, de venir y glisser mon avis. Je fus obligée, pourtant, de sortir de mon attentisme lorsqu’un texte paraphé de votre sceau, M. Koenig, apparut dans les lignes d’un journal que j’affectionne particulièrement. En son sein vous décrivez comme « simpliste » la tendance première qui consiste en l’opposition de l’élite et du peuple, avant d’affirmer que la fracture se situe davantage entre la société « ouverte » d’un côté, et la société « nostalgique » de l’autre sans, par ailleurs, vous embarrasser d’une quelconque nuance dans vos propos («Certains acceptent des frontières plus ouvertes, et d'autres ressuscitent les mythes nationalistes. Certains invitent leurs voisins, et d'autres ferment leurs volets. Certains adhèrent à la société diverse et complexe qui se profile, et d'autres cultivent la nostalgie de l’après-guerre. »). Mais voyez-vous, ce postulat me paraît tout aussi simpliste que celui que vous décriez, si ce n’est plus. La rationalisation d’un vote dérangeant Vous avez construit le fantasme d’une société prétendument manichéenne, et le poids de vos convictions l’a alimenté plus que de raison. Mais entendez bien que la multitude des facteurs sociaux et culturels ayant motivé l’un ou l’autre des choix empêche quiconque d’établir une typologie précise de chacun des deux pans. Aussi, Monsieur, la seule circonstance que quelques 17 410 742 individus se soient prononcé en faveur de convictions opposées aux vôtres ne suffit pas à les reléguer aux rangs de réactionnaires obscurantistes. Pensez-vous que les Français ont pu faire partie de la frange qui « ferme ses volets » après avoir refusé une plus grande intégration en 2005 ? Que, le tiers des maigres 36% de votants entre 18 et 24 ans cultive « la nostalgie de l’après-guerre » ? Ou que la régulation des quatre libertés participe de la « résurrection des mythes nationalistes » ? Moi, je ne le crois pas ! Nul besoin d’opposer catégoriquement le bon et le mauvais, progressistes et réactionnaires, et cela est bien heureux. Je sais combien la tentation de décrédibiliser ses adversaires est forte, il est réconfortant de leur attribuer tous les maux mais soyez bien sûr d’une chose : l’obscurantisme et le repli ne constituent pas l’apanage des pro-brexit, les votants ne sont pas une masse homogène et leurs motivations variées interdisent ici toute classification péremptoire. Or votre étude biaisée a pu vous permettre de vigoureusement clore le débat en érigeant les Remain en grands vainqueurs et ambassadeurs de l’intellect. Cela n’est qu’une manière comme une autre d’asseoir vos propres convictions. A la recherche des racines du mal : mondialisme ou souverainisme ? La manière par laquelle l’Union Européenne a dépossédé les pays d’une partie de leur souveraineté est au cœur des préoccupations, vous le soulignez, mais il ne s’agit pas ici d’un élan réactionnaire aussi nauséabond que celui auquel vous voudriez bien nous faire croire. Les extrêmes existent certes, mais il serait absurde de partir du postulat selon lequel la volonté de maintenir les souverainetés signe dans tous les cas la résurrection d’un nationalisme d’une autre époque. Combattre l’homogénéisation impulsée par l’intégration régionale n’est pas significatif du refus de l’altérité, pas plus que la régulation n’est symbole de repli. A ce sujet, le mondialisme que vous semblez prôner est étrange, et encore plus lorsqu’il conduit à assimiler tout élan national à la haine de l’autre. Contrairement à ce que vous affirmez, l’Union européenne n’est pas homogène, et sa construction, si elle fut motivée par le souci de lier entre eux variété de peuples, se fit aux conditions du respect de leur identité constitutionnelle ainsi que du maintien des prérogatives étatiques. Aussi Monsieur, ne vous offusquez pas d’un Etat mû par la protection de ses particularités lorsqu’il en possède le droit. Contester une telle attitude revient à se positionner dans le camp de ceux qui refusent le multiculturalisme dont j’avais pourtant cru lire la promotion en filigrane dans vos textes… Enfin il n’était pas risqué d’affirmer que le choix des votants lors du referendum fut moral. Cependant l’enjeu ne se pose pas, selon moi, dans les termes que vous avez choisis. Il ne s’agit en aucun cas d’opposer le « peuple d’hier » au peuple prétendument progressiste de demain, ni de se contenter d’un schéma clivant entre l’ostracisme et l’ouverture ; vous conduisez ici le débat à de véritables apories en estimant qu’il n’existe qu’une seule vérité, celle d’une ouverture exacerbée. Mais plutôt faut-il se demander quels buts poursuivait l’Union il y a 40 ans et quels sont ceux qu’elle nourrit désormais. Cela expliquerait beaucoup mieux pourquoi des citoyens qui purent voter pour une adhésion en 1975 – et que vous auriez décrits dans des termes élogieux – puissent aujourd’hui se trouver favorables à une rupture et entrer à vos yeux en disgrâce. Cela n’est pas le fruit d’un repli identitaire ou raciste, mais plutôt celui d’une désillusion en partie provoquée par le dévoiement d’une Union toujours plus tentaculaire. Un renvoi à la déclaration Schumann sera, à cet égard, salutaire. Et la suite, M. Koenig ? Pour le futur, vous prévoyez que le vote sera bien appliqué, et prédisez un R-U ployant sous les méfaits du retrait. Mais à la vérité, qu’en savez-vous ? Lorsque le Royaume-Uni se décidera enfin à se prévaloir de l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne, voilà la première fois qu’il sera mis en œuvre depuis la naissance de l’Union. Les débats seront si âpres qu’ils pourraient bien durer plus de 3 années. En attendant, pensez-vous véritablement que quarante ans d’étroite coopération pourront faire l’objet d’une table rase ? Êtes-vous bien persuadé que des conventions bilatérales ayant des effets peu ou prou similaires à ceux que l’on connait actuellement ne seront pas signées ? Léa Keïta |
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Juin 2017
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