« L'année prochaine ou celle d'après, l'Arctique sera libéré des glaces comme jamais depuis 100 000 ans » Peter Wadhams, professeur de physique des Océans à l’université de Cambridge Cette prévision, faite par le scientifique Peter Wadhams le 21 août dernier dans les médias anglais, peut apparaître anodine et un peu trop alarmiste au vu de certains. Or cette information, si elle se concrétise - et elle est bien partie pour l’être - aurait un impact considérable sur le plan planétaire en provoquant notamment une accélération irréversible du réchauffement climatique et des tensions régionales multiples quant à l’exploitation des ressources situées aux alentours de l’Arctique. Cependant, et c’est là tout le problème, cette exploration par les Etats voisins pourraient avoir des conséquences néfastes à une époque où l’on tente de mener une transition écologique ambitieuse après la conclusion de l’accord sur le climat à la COP21 en décembre dernier. Une coopération uniforme est donc primordiale pour assurer la préservation de ce continent et plus largement de l’intégralité de l’écosystème planétaire. Ainsi, comment la conjugaison de tous les enjeux divergents tenant à l’avenir de cette région attestent de la nécessité d’une coopération à l’échelle mondiale ? L’Arctique : un engouement expliqué par son potentiel économique considérable. L’Arctique est une région très riche en ressources naturelles, qu’elles soient pétrolières, minérales, gazières ou halieutiques : ce qui attire la convoitise de beaucoup d’acteurs internationaux, qu’ils soient publics ou privés. Selon le United States Geological Survey, 13% des réserves mondiales pétrolières et 30% des réserves mondiales de gaz se situent dans les sous sols de cette région, ce qui suscite la convoitise des compagnies pétrolières dans une époque où les réserves des ressources fossiles s’amenuisent et sont de plus en plus difficiles à exploiter. Une « course à l’appropriation » de ces ressources non renouvelables est d’ores et déjà lancée avec des projets d’exploitation et de forages qui se sont multipliés ces dernières années en Arctique. L’ouverture d’une nouvelle voie maritime dans l’Océan Glacial Arctique apparaît de plus en plus crédible au vu de la fonte rapide de la calotte glaciaire. Une voie qui pourrait, dans un futur proche, être navigable une bonne partie de l’année et susciterait par conséquent un intérêt économique certain pour le commerce international car elle permettrait de raccourcir les trajets maritimes de 4000 kilomètres selon Oleg Kobzeff, spécialiste de l’Arctique et de la Russie. Mais cette nouvelle voie maritime commence déjà à être empruntée par des compagnies maritimes à l’instar du Crystal Serenity, un paquebot de luxe qui est censé rallier l’Alaska à New York par cette nouvelle voie : virée qui est loin de faire l’unanimité dans une région aussi préservée et inhospitalière que l’Arctique. Un nécessaire renforcement de la coopération dans la gestion future de l’Arctique Face à ces changements profonds en cours dans cette région, une coopération intergouvernementale a commencé à voir le jour il y a un demi-siècle avec la création successive de deux conseils régionaux, une première étape qui devra faire l’objet d’un approfondissement pour produire des résultats significatifs. Premièrement, le Conseil Nordique, apparu en 1952, a été crée pour assurer un dialogue intergouvernementale entre les pays nordiques. Cependant, il se heurtait à de nombreuses difficultés en raison des différences culturelles, économiques et sociales des Etats et peuples qui le composaient. Deuxièmement, pour enrayer les défauts du premier, a été créé en 1996 le Conseil de l’Arctique. Ce Conseil est considéré comme une véritable construction institutionnelle : il est composé des 8 états arctiques dont la Russie, les Etats-Unis, le Canada, la Norvège mais également de représentants de peuples autochtones et enfin des Etats observateurs, des Organisations Internationales et des ONG. Cette composition élargie à l’ensemble des acteurs principaux de la scène internationale contribue au renforcement de la cohésion et de la coopération pour une gestion plus effective et réfléchie de cette région. Cependant, ces deux Conseils sont seulement des instances de discussion. - Même s’ils permettent de diminuer les querelles de souveraineté, ils ne prennent pas véritablement de décision qui contraignent les Etats : les problèmes politiques, militaires et sécuritaires ne sont que très peu abordés. Les sujets évoqués sont davantage la protection de l’environnement, les revendications territoriales, les différends frontaliers et le droit géologique. - De plus, des engagements internationaux ont été promulgués pour encadrer strictement les revendications et les modalités des négociations. Cette volonté s’est concrétisée avec la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982 institué comme mécanisme de règlements de certains litiges pour définir les frontières communes et l’étendue des plateaux continentaux : convention qui s’applique alors dans cette région de l’Arctique. Des tensions sous-jacentes entre les grandes puissances qui rendent la coopération fragile. Malgré une volonté louable des Etats de se réunir et de discuter du futur de cette région fragile, l’Arctique n’est pas épargné par les tensions géopolitiques actuelles, au contraire. Il est un des lieux de tension entre les deux grandes puissances que sont la Russie et les Etats-Unis, faisant émerger l’idée d’une nouvelle Guerre froide sur cette partie du globe. L’Arctique est source de richesse, et ces puissances le savent. Ainsi, pour éviter tout blocage dans son exploitation, la plupart d’entre elles ont exprimé leur hostilité à la signature de tout traité international sur l’Arctique lors de la déclaration d’Ilulissat de 2008 contrairement à son homologue du Sud - l’Antarctique - qui bénéficie d’une protection importante. L’Arctique est vu alors comme le nouveau Far West avec des opportunités de conquête où « tout le monde veut sa part du gâteau » illustré par l’ouverture de bases militaires russes dans cette région, ce qui est source de tension. Pour ce qui est des voies maritimes, des divergences de vision sur la circulation maritime se font sentir où chacun tente de préserver son intérêt : là où le Canada développe une vision nationale, la Russie adopte une vision régionale où elle s’arroge un plateau continental tandis que les Etats-Unis sont enclins à considérer ces nouvelles voies avec une vision globale où la liberté de navigation serait reine ; l’intérêt pour les USA étant de garder une supériorité maritime. Enfin, ces tensions entre les puissances relèguent au second plan l’opinion des populations inuits qui sont les victimes de cette course et dénoncées par les responsables locaux qui misent sur l’opinion publique et l’union de ces peuples pour enrayer ces tensions. L’Arctique : une attractivité incompatible avec les problématiques environnementales actuelles. L’Arctique est l’un des épicentres où les changements climatiques sont et seront les plus visibles : sans réactions rapides et concrètes, l’impasse sera proche. (sur le plan régional) La fonte inexorable de la banquise et de la calotte glacière ont des répercussions sur tout l’environnement de l’Arctique qui dispose par ailleurs d’une biodiversité unique et fragile. C’est pour cette raison que Greenpeace considère que cette partie du globe doit être déclarée réserve naturelle mondiale au même titre que l’Antarctique. En plus d’affecter la biodiversité locale, ces mutations pourraient affecter les populations locales vivant dans cette région. Ce phénomène ne pourra être endigué sans lutter contre l’exploitation des ressources notamment pétrolières de la région. Extractions considérées pour beaucoup comme fortement risquées pour l’environnement ; on peut en avoir un aperçu avec la catastrophe de l’Exxon Valdez sur les côtes de l’Alaska en 1989 mais encore avec les déversements importants des entreprises pétrolières russes dénoncés par la population autochtone et les écologistes du monde entier. Le problème majeur étant que les pays voisins de l’Arctique bénéficient d’une zone économique exclusive de 360 kilomètres qui fait que la majorité des ressources relèvent en général du contrôle des Etats. (Sur le plan planétaire) L’Arctique est une véritable bombe climatique à retardement puisque les conséquences de la disparition des surfaces glacières aurait des conséquences colossales et irréversibles sur l’ensemble de la planète. Si les efforts de la part de la communauté internationale ne se font pas sentir dans ces prochains décennies - ou même années au vu de l’urgence de la situation - la fonte complète de la banquise accélérera le réchauffement climatique pour plusieurs raisons … On a tendance à croire qu’en réduisant seulement nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), les risques d’une future catastrophe climatique et d’une augmentation trop importante de la surface des océans seraient limités. Or, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg puisque : - la disparition de la banquise diminue la surface de réflexion du soleil sur la glace, la chaleur pénètre alors dans les mers et réchauffe de ce fait plus rapidement la planète. - la disparition de la banquise perturberait les courants océaniques et dérèglerait encore davantage le climat de l’ensemble de la planète : les phénomènes météorologiques extrêmes seraient alors démultipliés. - enfin, et c’est en cela que la lutte est urgente : le METHANE. Il est aussi un gaz à effet de serre, à la seule différence que ses effets sont 23 fois plus importants que le CO2. Or, ce gaz est présent en quantité astronomique en dessous du permafrost. Si la fonte atteint ces réserves , il sera alors rejeté dans l’atmosphère, ajouté au fait qu’il ne pourra pas être absorbé par les espèces végétales au même titre que le CO2. Ainsi, les changements profonds qui affectent l’Arctique ne sont pas synonymes d’opportunité d’exploitation et de nouvelles voies maritimes facilitant les échanges internationaux mais plutôt une preuve qu’il est grand temps de s’orienter vers une transition écologique basée sur les énergies renouvelables car le devenir de cette région pourrait déterminer le futur de l’humanité toute entière. Clément HAOUISEE
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Juin 2017
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