59,11% de "non" : dimanche, les Italiens se sont opposés sans détour au référendum de Matteo Renzi. Le président du Conseil, qui a soutenu corps et âme la réforme constitutionnelle sur laquelle portait cette consultation, a annoncé dans la foulée sa démission, que le président Sergio Mattarella lui a demandé de reporter de quelques jours, en attendant le vote du budget 2017. Il reviendra ensuite à ce dernier de nommer un nouveau chef du gouvernement ou de dissoudre le Parlement. Le triomphe du "non" représente une défaite personnelle pour Matteo Renzi, après des mois d'une campagne qui a largement dépassé les enjeux de cette réforme. Matteo Renzi Matteo Renzi a démissionné après avoir passé trois ans à la tête du gouvernement italien, une durée égalée par seulement deux présidents du Conseil avant lui. En déclarant, il y a quelques mois, "Si le 'non' l’emporte, je démissionne et me retire de la vie politique", c'est lui qui a personnalisé ce scrutin, devenu un plébiscite sur sa personne plutôt que sur sa réforme constitutionnelle. Il a ensuite reconnu son erreur et affirmé qu'il n'aurait "pas dû personnaliser autant la campagne", mais le mal était déjà fait. Visiblement pressé d'en finir, Matteo Renzi a très vite reconnu sa défaite et annoncé son départ dimanche soir à la télévision, évoquant une défaite "extraordinairement claire". Mais le désormais ex-président du Conseil reste le secrétaire du Parti démocrate (centre gauche), toujours majoritaire à la Chambre des députés. S'il a démissionné, comme il l'avait promis, va-t-il pour autant quitter l'arène politique ? Le sujet n'a pas été abordé lors de son allocution de dimanche. Cette chute est aussi brutale que l'ascension au sommet de l'Etat de ce dirigeant de 41 ans seulement, devenu le plus jeune président du Conseil italien de l'histoire. Elle est aussi à la mesure de la déception de bon nombre d'Italiens, qu'il n'a pas réussi à convaincre de la pertinence, ni l'efficacité des réformes qu'il a mises en place pendant son mandat, ainsi que de celle qui était soumise à référendum. Le Parti démocrate Le référendum laisse un Parti démocrate (PD) fracturé, mais toujours majoritaire à la Chambre des députés. La formation de Matteo Renzi s'est publiquement -et violemment- divisée pendant la campagne sur le référendum à propos de la réforme constitutionnelle portée par son chef. Les critiques des membres de l'aile gauche du parti ne portaient pas sur la réforme constitutionnelle à proprement parler, mais sur la loi électorale que le Toscan avait fait passer en mai 2015, et qui a elle aussi renforcé le poids de la Chambre des députés. L'Italicum a -entre autres- fait de l'élection des députés un scrutin majoritaire à deux tours, qui donne automatiquement la majorité à la Chambre à la formation ayant obtenu au moins 40% des voix au premier tour. En cas de deuxième tour, c'est la liste ayant obtenu le plus de suffrages qui empochera cette fameuse prime à la majorité. Pour ses opposants, cette nouvelle loi offre trop de pouvoir au parti gagnant les élections. La réforme constitutionnelle rejetée dimanche par les Italiens, qui réduit fortement les prérogatives du Sénat, jusqu'ici sur un pied d'égalité avec la Chambre des députés, s'inscrivait également dans cette voie. Inquiets des conséquences de ces deux réformes, les frondeurs du PD ont tenté de conditionner leur "oui" au référendum à une réécriture de la loi électorale, sans succès. Mais au-delà de la réforme elle-même, la frange gauche du parti rejette Matteo Renzi lui-même, dont le franc-parler et la manière de gouverner est jugée trop personnelle, voire trop autoritaire. L’Europe et l’économie italienne Le lien entre ce référendum et l'Union européenne est, à première vue, peu évident : le scrutin portait sur une réforme de politique interne. Mais ses conséquences sont fortement scrutées en Europe, de Bruxelles à Berlin en passant par Paris. Car la victoire du "non" ouvre une nouvelle période d'instabilité politique en Italie et provoque, de surcroît, le départ d'un président du Conseil clairement pro-européen qui, voulait s'affirmer, ces derniers mois, comme un pays leader de l'UE aux côtés du couple franco-allemand. Qui va succéder à Matteo Renzi à la tête du gouvernement et, surtout, quelles peuvent être les conséquences politiques à long terme de son départ ? De nombreuses personnalités eurosceptiques comme pro-européennes ont vu dans sa défaite un camouflet infligé à Bruxelles. En France, Marine Le Pen a qualifié ce résultat de "non à la politique d’ultra austérité absurde mise en place par Matteo Renzi, politique voulue par l’Union européenne et imposée à l’Italie". En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a noté que l'issue du scrutin "n'est pas un message positif pour l'Europe, en des temps difficiles". D'autant que le très populiste Mouvement 5 étoiles, qui prône un référendum sur l'appartenance à la zone euro, apparaît en position de force pour les prochaines élections (voir plus bas). La démission du président du Conseil intervient alors que la fragile économie italienne, la troisième de la zone euro, a timidement renoué avec la croissance. Mais l'Italie doit encore composer avec une forte dette publique -133% de son PIB- et Matteo Renzi a d'ores et déjà annoncé qu'il ne pourrait pas tenir l'objectif des 1,8% de déficit public demandé par la Commission européenne pour 2017. Pour certains économistes, le pays représente d'ailleurs un plus grand risque pour la zone euro que la Grèce. Le mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord
La personnalisation du scrutin était une occasion en or pour les adversaires de Matteo Renzi et le Mouvement 5 étoiles (M5S) a sauté pieds joints dedans. Son fondateur Beppe Grillo a jeté toutes ses forces dans la bataille, appelant au rejet du président du Conseil et de sa politique. Preuve de la violence de leurs échanges, l'ancien comique a qualifié le chef du gouvernement de"truie blessée". Le parti populiste continue à jouer à plein régime sur le rejet de la politique traditionnelle et des grands partis comme le PD, même s'il a aussi avancé quelques arguments contre la réforme constitutionnelle. Le M5S, qui dirige déjà les villes de Rome et de Turin, espère à présent passer à l'étape supérieure. Il apparaît comme la deuxième formation politique du pays dans beaucoup de sondages. Impatient et désireux de mettre la pression sur le président italien Sergio Mattarella, soit -hypothèse la plus probable- qui nommera un gouvernement de technocrates, soit qui dissoudra le Parlement, Beppe Grillo a déclaré sur son blog que "les Italiens doivent être appelés à voter le plus rapidement possible". Une autre figure du parti, Luigi Di Maio, a annoncé que sa formation allait commencer à préparer un "programme de gouvernement" et une "équipe". Le M5S milite pour des élections anticipées -elles sont pour l'instant prévues en 2018. Mais d'ici là, le gouvernement de transition que devrait nommer le président, pourrait bien modifier la loi électorale de mai 2015 qui lui est si favorable (voir plus haut),appuyé par la plupart des forces politiques italiennes. Encore plus à droite sur l'échiquier politique, la Ligue du Nord a elle aussi demandé la dissolution immédiate du Parlement. Le mouvement anti-européen et opposé à l'accueil des réfugiés a lui aussi profité de la tribune offerte par le référendum pour diffuser son message contre les élites et l'establishment. Il s'insurge également contre un autre aspect de la réforme constitutionnelle, moins mis en avant que la disparition du bicamérisme : la limitation des compétences des régions en faveur de l'Etat. La démocratie ?C'était l'un des principaux arguments des opposants à la réforme constitutionnelle : en mettant fin au bicamérisme et en bridant le Sénat, Matteo Renzi mettait en danger la démocratie et les pouvoirs risquaient d'être concentrés dans les mains d'une seule personne. Ce système était en vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en Italie, où il était vu comme un rempart contre le fascisme. Mais pour le jeune dirigeant, cette situation où le Sénat et la Chambre des députés disposent des mêmes pouvoirs est source d'incertitude et de lenteur. En réduisant les prérogatives du premier et en réduisant le nombre de sénateurs, Matteo Renzi espérait tout à la fois accélérer le processus législatif, stabiliser le pays et tenir sa promesse de mettre au placard la "vieille" classe politique italienne. Marianne Skorpis, Thierry Millotte
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Juin 2017
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