La France Est-Elle Irréformable? Partie III: Pour Une Redéfinition Du Paysage Politique Français.10/12/2016 Le regard d’un expatrié: À travers une série de trois articles, notre chroniqueur basé à New-York nous offre une analyse pleine de recul et de bon sens: La France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. C'est un frondeur paralytique. Nos archives regorgent d'analyses perspicaces de nos défaillances, de propositions ingénieuses destinées à y remédier. Les analyses ont presque toutes été applaudies ; les propositions n'ont presque jamais été appliquées. Jean-François Revel, Le Voleur dans la maison vide, 1999 Penchons-nous sur ces Français qui protestent. Qui sont les militants de la Nuit Debout ? Qui sont les manifestants anti-loi travail ? Jeunesse désorientée Ces mouvements drainent une part non-négligeable de jeunes, désillusionnés par ce monde politique figé, décontenancés par les sombres perspectives du monde du travail français. Difficile de faire le procès de lycéens rêveurs dont la bonne conscience se laisse entrainer par l’air lancinant du « c’est la politique du gouvernement, un pas en avant, deux pas en arrière » - plaidoyer contre l’absurde du monde adulte, appel du cœur pour la lucidité, bonne occasion de ne pas aller en cours. Bien entendu, cette jeunesse ne se résume pas à cette masse coupée de la réalité et entrainée aveuglement dans le sillage des grévistes. Un part non-négligeable des jeunes en colère est bien informée, et consciente des enjeux de la Loi El Khomri. Mais une autre partie est en manque de repères… Comment ne pas le comprendre ? N’est-ce pas le fait de tout citoyen au XXIe siècle ? Dieu est mort, l’Etat s’affaiblit, le capitalisme a mauvaise presse : le monde ne semble plus porteur de convictions. Certains croient aveuglement a la science, d’autres, en France, s’attendent à ce que l’Etat soit à l’origine des valeurs (ce qui explique notamment les regains de popularité post-attentats du 13 novembre : l’Etat a l’occasion de conduire les français par la main, et de se porter garant de valeurs fortes et bienveillantes : solidarité, fraternité, liberté). Que faut-il croire aujourd’hui ? Difficile de répondre. Notre « système » mondial peut prendre les apparences d’un monstre ineffable, qui en déboussole plus d’un : certains se réfugient dans l’ultranationaliste bleu marine, d’autres cherchent leur voie dans l’islam radical… Fin du dérapage Face au monstre politique informe, une revendication naturelle est de réclamer plus de proximité avec les élus, de couper la distance avec les élites. Même si c’est une des conséquences inévitables de la démocratie représentative, la question de la gouvernance d’une société civile connectée, renforcée par le numérique et son flux d’info continus, mérite d’être posée. Et c’est ainsi, à mon sens, que le futur de la démocratie ne se dessine pas tant à la nuit debout, mais au gré des avancées de la Civic Tech. Les applications politiques des nouvelles technologies – agora numérique, sondages sur iPhone, apps permettant de classer les programmes électoraux, partis numériques (où le représentant s’engage à agir en fonction des internautes du parti) - peuvent potentiellement tracer les contours d’une démocratie améliorée, voire augmentée (vision optimiste) tout comme risquer de laisser le pouvoir aux minorités numériques les plus actives, au péril de la qualité des débats, des arguments échangés, et de la capacité de notre démocratie à dégager des positions communes (vision pessimiste). Sujet passionnant[i]. Revenons Place de la République. On comprend les aspirations de ses occupants. Mais une question me taraude. En 2011, l’action politique par l’occupation s’est globalisée et a pris forme dans de nombreuses villes : Tunis, Le Caire, Québec, Ouagadougou, New York (Occupy Wall Street), Madrid (Los indignados), Londres, Rio, Genève, mais aussi Turquie, Yémen, Russie et Chine. En France, on achète le petit livre de Stéphane Hessel, mais le mouvement des Indignes est un échec. Pourquoi les français n'ont-t-ils pas emboîté le pas aux autres pays en 2011 ? Les indignés à la française Pour le sociologue Albert Ogien, directeur de l'Institut Marcel Mauss à l'EHESS le mouvement n’a pas pris à l'époque « pour les mêmes raisons qui font que la Nuit debout risque d'échouer cette fois-ci encore, quel que soit le bien qu'on puisse penser du mouvement. Ce type d'action politique qui se fait par des citoyens contre les partis et contre les syndicats est une chose que ne savent pas faire les Français. Pour une raison simple : les Français refusent de faire comme Iglesias en Espagne, et de renoncer à la distinction entre droite et gauche. (…) Tout le paradoxe est d'observer les tentatives de reprise du mouvement par des organisations politiques instituées d'un modèle qui est justement fait contre les organisations. (…) Or se mettre sur une place et discuter n'a de sens que si ce vieux moule est cassé. En 2011, il était frappant de voir le NPA très mécontent, par exemple, devant les tentatives de mobilisation des Indignés : un mouvement qui n'a pas de stratégie, pas de programme, pas de leader apparaît vide de contenu politique en France, alors même qu'il est politique. (…) » Et même aujourd’hui, Nuit debout diffère de ce qu’on a pu voir à l’étranger : « aux Etats-Unis en 2011, on n'entendait pas les activistes adressé de défiance au gouvernement. Leur malaise s'exprimait contre une chose : le poids gigantesque de la finance et en particulier ce slogan "99% contre 1%". (…) A Paris, lors de la première manifestation du 9 mars contre la loi Travail qui s'était pourtant présentée comme une réaction citoyenne portée par une pétition sans précédent, vous trouviez les mêmes banderoles, et la même présence habituelle des syndicats CGT, Fidl, UNEF... Ces syndicats font leur travail et s'inventent une seconde vie... et pourquoi pas ! Mais ne regardons pas cette mobilisation contre la loi El Khomri comme une simple réaction citoyenne spontanée. (…) En France, on laisse sans doute mourir les vieilles structures que sont les partis et les syndicats qui ne suscitent plus l'adhésion... mais on n'est pas prêt à abandonner complètement les vieux cadres mentaux complètement vermoulus. »[ii] [i] http://www.lenouveleconomiste.fr/civic-tech-30837/ [ii] http://www.franceculture.fr/politique/nuit-debout-un-nouvel-occupy-wall-street CGT, qui es-tu ? A la question posée ci-dessus : « Qui sont les militants de la Nuit Debout ? Qui sont les manifestants anti-loi travail ? » La réponse est donc : quelques jeunes, mais surtout la vielle garde syndicaliste française, avec, en fer de lance, la CGT de Philippe Martinez. Rappelons certains chiffres[i] sur cette CGT qui aime tant faire parler d’elle : elle représente 11% de salariés syndiqués en France, soit 2,6% des salariés français, avec un âge moyen de 49 ans (les 26-30 ans représentent 4%), 42% de fonctionnaires (soit 2x plus que la part de la pop. active appartenant au secteur public), 67% d’ouvriers (vs 28% dans la pop. active), 38% de femmes (10 points au-dessous de la pop. active). Bref, on peut difficilement dire que la CGT est représentative de notre pays, et légitimer sa prise d’otage de nos infrastructures. Certes, ses manœuvres ont encore les faveurs d’une partie de l’opinion publique. Mais les actions de la CGT vont au-delà du rôle des syndicats, et s’apparente bien plus à un coup politique, dont l’objectif direct être de faire chuter Manuel Valls (on note au passage le peu de réactions des figures de droites, quand bien même il serait risqué pour les Républicains de voir CGT s’impose dans la rue, tant sa victoire établirai un précèdent indélébile). Monsieur Martinez, la démocratie – malgré tous ses défauts[ii] – se fait dans l’hémicycle, pas dans la rue. Si certains syndicats tels que la CFDT on joué le jeu de la négociation, la CGT a choisi de nuire au quotidien des plus démunis en organisant manifestations, blocages et grèves. Elle banalise la haine anti-flic et tolère les casseurs – on en oublierait presque que nous sommes en Etat d’urgence. Le summum aura été atteint lors du blocage des journaux qui ont refuses de publier la tribune de Martinez – cf ce passage honteux dans le petit Journal[iii] – ignoble chantage et atteinte stalinienne (oui, stalinienne) à la liberté d’expression. Certains rétorqueront que le vrai tyran est Manuel Valls, armé de son 49-3. On leur rappellera que le 49-3 est un outil démocratique que tous les gouvernements ont le droit d’utiliser faute de compromis législatif, au risque de se faire destituer par une motion de censure. Motion de censure que la gauche de la gauche n’a pas réussi à faire passer. C’est le jeu de la démocratie. Martinez et ses amis d’extrême gauche ont perdu, ils noient donc leur frustration politique et leur soif de pouvoir en protestant dans la rue. Seul point positif : on peut voir ces épisodes comme un suicide politique de l’extrême gauche syndiquée, tant l’opinion publique est excédée. Rappelons l’épisode des grèves des mineurs britanniques ayant abouti à l’élection de Thatcher, ou des législatives post-mai 68… 2017 nous dira si l’histoire se reproduit. Binarisme et montée des extrêmes La gauche de la gauche a le droit d’exister. Au-delà de ses manœuvres syndicales inappropriées, elle a une légitimité politique réelle et un poids électoral non-négligeable. Mais ce qui est à déplorer, c’est que notre gouvernement, qu’on le croyait voir prendre la bonne direction, soit frêné par la vieille garde des frondeurs du PS. Là encore, les frondeurs ont le droit d’exister. Ils se sont unis derrière Hollande en 2012 pour prendre le dessus sur la droite au pouvoir. Or ils ne sont plus la même longueur d’onde que le Président, et sont donc mécontents. C’est leur droit. A mes yeux, c’est surtout la preuve que les frontières politiques de nos partis politiques sont mal tracées. Car si la naissance des frondeurs a marqué une fracture politique interne au PS, il existe aussi des divergences majeures au sein des Républicains. Au fond, Valls et Macron ne sont-ils pas plus proche de Fillon et Juppé que d’Aubry et Hamon ? Le prisme droite-gauche déforme notre vision de la politique et met à dos des personnalités politiques pourtant proches. La France ne gagnerait-elle pas à voir émerger pour un Centre fort (du moins plus fort que la posture bégayante – with all due respect - de François Bayrou) ? A l’échelle européenne, on constate l’épuisement d’un modèle démocratique fondé sur l’alternance droite-gauche depuis les années 1970, qui se traduit par l’ascension fulgurante des politiciens antisystèmes, à droite de la droite, ou à gauche de la gauche. Tirons également des leçons de la montée de Sanders, et bien évidemment du succès de Trump aux Etats-Unis. Ce serait à mes yeux une grande erreur de faire du phénomène Trump un épisode uniquement américain. D’une part, personne ne l’avait vraiment venu venir outre-Atlantique (cf le mea culpa de tous les éditorialistes américains qui n’y avaient pas cru), d’autre part Trump est la personnification des dérives potentielles de nos démocraties contemporaines : assis sur sa légitimité de businessman succesful[iv] (peut-être la seule vraie différence avec la France, où un milliardaire est rarement en odeur de sainteté auprès du grand public), Trump a compris qu’une campagne en 2016 se gagnait a coup de buzz et de punchlines démagogiques. Pourvu que personne ne s’y essaye aussi gravement en France. [i] http://timetosignoff.fr/2016-05-24 [ii] http://us11.campaign-archive1.com/?u=d6ee788dc820b29b53815d1e5&id=9731f371bf [iii] http://mayotte.orange.fr/video/221/le-reporter-du-petit-journal.html [iv] Succès a relativiser. Si trump avait investi tout son héritage dans des bons du Trésor américains, il serait bien plus riche qu’aujourd’hui En Marche ?
Il serait dommage que le binarisme droite-gauche galvaude notre potentiel réformateur au profit des extrêmes (gauche ou droite). Dommage, car le tableau de la France n’est pas totalement noir – notre économie reste performante dans les domaines du tourisme, de l’industrie lourde (Aéronautique, Défense, Energie, Construction), du luxe ou de la santé - et que notre pays a un immense potentiel. Les succès de la French Tech en sont le plus bel exemple, les déclarations du patron de Cisco (« La France, un moment charnière de son histoire, au bord d’une profonde transformation (…) La France, c’est l’avenir ») un des plus beau motifs d’espoir. Il est donc nécessaire de rebattre les cartes du jeu politique français. D’unir ceux qui, au sein du PS ou des Républicains, sont enchainés par leurs extrêmes. Aujourd’hui, la France peut céder à la terreur et prendre la voie du nationalisme sécuritaire – c’est l’option Front National[i]. La France peut s’immobiliser davantage et s’enfoncer dans ses illusions socialistes archaïques – c’est l’option Front de Gauche. Enfin la France peut se reformer, tirer profit de son potentiel à l’aube de la quatrième révolution industrielle – cette option n’a pas de nom. La panacée s’appelle-t-elle Emmanuel Macron ? Attendons de voir. Aujourd’hui on oublierait presque qu’il a été ministre de notre économie, tant ses ambitions présidentielles ont pris le dessus. Mais la France a besoin d’hommes politiques qui, comme Macron, cherchent à casser les lignes – quand bien même cela aurait été fait par pur intérêt personnel. La France a besoin d’hommes politiques modérément libéraux – c’est-à-dire sociaux-démocrates ? - qui cherchent à casser les blocages français sans remettre en cause tous les bienfaits de notre Etat Providence ; qui sont prêt à faire un pas en arrière, si c’est pour en faire deux avant. Nous l’avons évoqué plus haut, la France est tout et son contraire, France n’aime pas le compromis. Prenons en conscience, et mettons notre cœur à l’ouvrage pour chercher une voie appropriée. Rappelons que nos économies et nos sociétés sont l’objet de mutations permanentes : il n’y a pas de réponse figée. Mais risquons des reformes pour chercher un juste milieu - au sens aristotélicien du terme : non pas le milieu géométrique d’un segment plat, mais le sommet en qualité d’un triangle constructif. Le juste milieu économique En guise d’illustration de notre haine du compromis, prenons l’exemple du tissu économique français. J’évoquais plus haut l’exemple de start-ups de la FrenchTech : pour elles le plus dur n’est pas tant de naître en France, mais d’y lever des fonds et de se stabiliser à une hauteur moyenne. Ceci s’explique notamment par la structure des investissements français, assurés a 15% par des fonds de capital risque (qui, en intégrant le capital d’une start-up, prennent le risque de chuter avec elle), et à 85% par des acteurs bancaires (qui agissent de manière peu risquée : ils prêtent à taux, la start-up s’endette avec un taux d’intérêt et devra rembourser ses créditeurs en priorité si elle fait faillite). Chez les anglo-saxons, c’est l’inverse. Aux Etats-Unis, les start-ups sont financées à 80% par des fonds, et à 20% par des banques. Certes, cela est dû en grande partie à l’importance des fonds de pensions, qui financent les retraites etc. Mais cela traduit en France une aversion de la bourse et du risque. Pourquoi ? La faillite, au XVIIIe siècle, alors que le capitalisme n’en est qu’à ses balbutiements, de la compagnie du Mississipi - compagnie coloniale française a l’origine d’une bulle spéculative dont l’éclatement ruinera tous ses petits actionnaires - a peut-être laissé une empreinte durable dans nos mentalités[ii]. On notera, en guise de premier palliatif, qu’un amendement de la loi Macron vise à faciliter la renaissance des bourses régionales, qui répondrait à un besoin de plus en plus sensible de fonds propres des PME et des ETI, qui n’ont quasiment pas accès aux marchés de capitaux (inspiré du modèle des Mittelstand allemandes ?) Mais cet exemple du financement à la française est l’exemple même de ce juste milieu qui nous échappe : effrayés par la volatilité des structures capitalistes anglo-saxonnes, nous avons mis en place des structures de financement opposées, timides et peu risquées, et qui ne permettent pas à nos jeunes entreprises de grossir et de prospérer sur la scène internationale – exemple Dailymotion. Dans un même registre d’idée, je rejoins le constat de Guillaume Sarlat, pour qui le problème de la France n’est pas tant l’opposition publique/privée (en effet les fonctionnaires ne représentent que 20% de la pop employée, cad moins que la médiane européenne[iii] ; certains, dans les collectivités territoriales surtout, ont des CDI 35h et un excès RTT surprotèges, mais c’est loin d’être le cas dans les secteurs de la santé ou de la sécurité par exemple), mais bien l’opposition petite entreprises/grosses institutions. Il n’y a pas en France de culture de l’entreprise moyenne : on est soit tout petit, soit avalé dans les méandres administratifs de nos colosses publics ou de nos grands fleurons nationaux. Il ne s’agissait que d’une illustration économique, mais prenons conscience de cette absence de juste milieu en France. Retrouvons notre gout du risque en économie, et traduisons-la dans notre monde politique. Ceci n’est pas un manifeste ultra-libéral, partisan d’une dérèglementation tous azimuts. Dans la position actuelle de la France, ceci est un modeste appel à la prise de conscience de nos retards, à l’inflexion de notre destinée. Osons réformer. Restons modeste sur le poids de la France au XXIe siècle, admettons nos erreurs, osons changer. Prenons l’exemple de ceux innovent, brisent les lignes. Risquons-nous à un avenir meilleur, quitte à nous casser la gueule. Un spectateur engagé [i] Point de vue intéressant du philosophe Marc Crépon dans Society Magazine : au cours de ces 10 dernières années, le Front National a constitué le seul pole influence stable de notre horizon politique – influence qui détourne en permanence l’opinion sur des débats nationalistes, modifiant les préoccupations politiques des française, et conduisant à la droitisation de tous les politiciens (n’est-ce pas Manuel Valls ?) [ii] Rappelons que c’est afin de répartir les risques liés aux financements des navires des grands explorateurs (dont une proportion non-négligeable échouait) que sont nées les compagnies d’assurance. Par extension, les incertitudes propres aux compagnies coloniales, dont l’économie reposait sur les denrées récoltées, ont conduit à la naissance des bourses en Europe (Royaume-Uni, France, Pays-Bas). La compagnie du Mississippi est une des premières actions cotées à la Bourse de Paris, qui n'était encore qu'un rassemblement de négociants rue Quincampoix au XVIIIe siècle. Par le biais d'une publicité exagérée et afin de susciter l'intérêt des acheteurs, John Law (qui contrôlait la compagnie) surévalua la richesse effective de la Louisiane, autrement dit les capacités de production de ce territoire colonial, encore largement inorganisé : par un procédé efficace de mise en marché, l'engouement de la demande pour les actions de la Compagnie conduisit à la formation d'une bulle spéculative en 1719, par ailleurs favorisée par l'émission excessive de papier-monnaie par la Banque générale. En raison des failles des régulations économiques et financières françaises, cette faillite a provoqué la ruine des tous les petits actionnaires de la compagnie (et non des plus gros) [iii]http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2016/03/17/29006-20160317ARTFIG00235-la-france-est-elle-un-pays-de-fonctionnaires.php [iv] Pour rappel Roland Garros est un aviateur français célèbre pour ses exploits sportifs en avion, dont la 1er traversée de la Méditerranée. Il est mort dans un combat aerien en 1918)
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Le regard d’un expatrié: À travers une série de trois articles, notre chroniqueur basé à New-York nous offre une analyse pleine de recul et de bon sens: La France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. C'est un frondeur paralytique. Nos archives regorgent d'analyses perspicaces de nos défaillances, de propositions ingénieuses destinées à y remédier. Les analyses ont presque toutes été applaudies ; les propositions n'ont presque jamais été appliquées. Jean-François Revel, Le Voleur dans la maison vide, 1999 Par où commencer ? Quand on joue avec les clichés, tous les arguments sont bons. Le Français est râleur, il n’est jamais content, c’est un expert du back-seat driving[i]. Le Français descend du Gaulois [au fond, pas vraiment, M. Sarkozy], résistant encore et toujours à l’envahisseur, cette mondialisation aux contours illuminato-americano-capitalistes (même s’il finira bien pas céder, à court de potion de magique). Car au fond, le Français est davantage résistant qu’il n’est révolutionnaire, en ce qu’il rejette plus qu’il ne cherche à construire, sans craindre de tourner à vide : il fait non avec la tête, mais oublie de dire oui avec le cœur. Ainsi, vu de l’étranger, le Français aime son petit confort, est snob, protecteur d’un trésor imaginaire, nostalgique d’un ancien monde révolu. De sorte que la France, finalement, se cantonne au sens étymologique du mot « réforme » : rétablissement dans l’ordre, dans l’ancienne forme. Y’a-t-il une part de vrai ? Peut-être. Le socle culturel de la France, qui tisse nos mentalités et notre inconscient, est une trame invisible, dont on ne pourra jamais saisir l’étendue. Et puis si nous détestons entendre des clichés sur la France venus de l’étranger, nous nous gardons le droit d’en proférer de toute part sur nous-mêmes. Car au fond s’il y a peut-être une constante chez le Français, c’est qu’il est plein de contradictions. Dès lors, comment ne pas l’être à l’échelle nationale ? Tentez, au-delà des clichés, d’apporter ne serait-ce qu’une définition englobante de la France, et vous passerez forcement à côté de ce qu’elle est – c’est-à-dire tout est son contraire. Bien sûr, cela n’est pas uniquement le propre de la France, et ce constat, Omnis determinatio est negatio, pourrait s’appliquer à toutes les nations du globe. Mais la France semble exceller dans ses incohérence, tantôt terre d’innovation, tantôt modèle de conservatisme, tantôt Gavroche, tantôt Napoléon – tantôt french flair, tantôt Ligue 1. C’est cliché, encore une fois, mais c’est l’idée que je me fais de la France, et c’est à mes yeux ce qui fait son charme. Malaise scolaire Tentons néanmoins de dépasser la tentation de l’aphorisme et de faire la généalogie de ces maux français – ou plutôt de la version française de ces maux. Plongeons-nous dès lors dans ce qui constitue un socle originaire commun à tous les français : l’école. Pourquoi évoquer l’éducation ici ? Parce que le schéma éducatif français est un formidable laboratoire de notre rapport à l’autorité d’une part, et aux élites d’autres part. A ce sujet, l’ouvrage de Peter Gumbel, Elite Academy : Enquête sur la France malade de ses grandes écoles nous offre une mise en perspective adroite de notre conception de l’éducation. Car avant de créer des élites, l’école française façonne notre conception de l’autorité. D’après Peter Gumbel, journaliste et écrivain d’origine anglaise, l’ambiance de travail des entreprises françaises, les mauvais rapports de groupes, la défiance réciproque entre les employés et leurs patrons, tout ceci découle directement de la conception de la hiérarchie que nous inculque l’école, où le professeur est roi, les cours sont magistraux – les élèves ne participent pas, souvent de peur de se tromper, car se tromper c’est la honte ; les « cancres » sont relégués (d’ailleurs la France est le pays qui a le plus fort taux de redoublement, quand de multiples études ont démontré son inefficacité). Le seul pays qui se rapproche de la structure hiérarchique à la française est le Japon, mais la France pousse les clivages encore plus loin (statistiques à l’appui). Ainsi, aux yeux d’un écolier français, le concept d’autorité n’inclut pas la notion de dialogue ; la discussion, la négociation, la recherche de compromis, ne sont pas naturelles (qu’en pensent nos arbitres de foot ?). Il s’agit de consentir ou de faire front. Pas étonnant que soit l’article 2 de la loi du travail – qui traite notamment des renégociations internes aux entreprises – soit au cœur du débat actuel. Le mal élitiste Au passage, le sujet principal du livre de Gumbel – la fabrique des élites françaises – vaut le coup d’être évoqué, même si l’on risque de s’éloigner de notre sujet initial. Car si la France se vante d’avoir un système éducatif méritocratique, où l’enseignement – de la maternelle jusqu’aux études supérieurs – peut être gratuit pour tous, elle ne peut fermer les yeux sur l’élitisme néfaste qu’elle institue. Dans un pays où l’on semble préférer l’intelligence au succès (ce que je ne condamne pas totalement), sortir d’une grande école vous offre un passeport pour la vie. Certes les Royaume-Uni présente son contingent d’élites, et se montre beaucoup plus sélective financièrement à l’entrée d’Eton puis d’Oxbridge, mais la part d’individus qui en sont issus dans les grandes entreprises ou en politique y est bien moindre, et ne cesse de décliner. Quant à l’Ivy League américaine, celle-ci concerne une part beaucoup conséquente d’élèves : 50 fois plus d’élèves que dans les grandes écoles françaises, alors que la population est uniquement x4 ; dont une part importante de MBA. Oui, notre système a certaines vertus[i], mais c’est en France que l’on constate le plus gros déterminisme à la sortie de l’école. Et ceci alimente en partie le sentiment de distance entre le « peuple » français et ses élites, intouchables[ii]. Nous nous sommes quelques peu égaré – ce n’est pas faute d’avoir prévenu - mais ces considérations pourraient se montrer à propos, tant le sentiment de distance avec l’élite au pouvoir – hommes politiques et grands patrons confondus – a conditionné l’élection de notre Président normal. François Hollande su ajuster son discours électoral : protéger les petits et clamer une volonté de changement pour mieux surfer sur le rejet d’un ultra président trop bling-bling. On en oublierait presque qu’avec sa carte de visite HEC-Sciences Po-ENA, François Hollande est un pur produit de notre machine à élites française. On oublierait presque François Hollande est issu d’un parti rongé de l’intérieur par ses orientations diverses, miné par ses clans, dont l’inertie est, en somme, incompatible avec le changement. On comprend dès lors la frustration des Français face aux manœuvres politiciennes d’un gouvernement pusillanime et non-exempté de scandales. Hollande ne s’est pas donné les moyens des convictions affiches en campagne (sont-ce vraiment des convictions ?), manquant du courage nécessaire pour « changer » notre pays. Osons continuer une autre citation de Revel : Hollande est à Mitterrand ce que Mitterrand lui-même était à de Gaulle : le théâtre sans l’héroïsme. Un virage raté
Mais après un début de quinquennat ubuesque, symbolisé à mes yeux par le sketch Arnaud Montebourg, François Hollande a su se faire une raison, pour entamer un virage pro-business nécessaire, incarné par Emmanuel Macron (qui, pour la petite histoire, n’avait rien demande à l’époque, et comptait s’éloigner de la politique). L’intention est louable, et on peut se réjouir des multiples initiatives qui ont été prises (Loi Macron, Loi travail, Loi sur le numérique), mais on tombe des nues face au manque de pédagogie dont fait preuve notre gouvernement. Finalement, s’il est une constante dans la présidence d’Hollande, c’est sa communication désastreuse [et son fiasco fiscal]. Et c’est bien dommage, tant la direction prise depuis un an semble insuffler un souffle nouveau. Certes, ce n’est pas qu’une affaire de forme : cet amateurisme pédagogique reflète une fâcheuse tendance à l’improvisation et aux bricolages au moment de pondre un projet de loi. Mais le caractère non-explicité du virage en cours fait le lit des revendications justicière de la gauche de la gauche - des frondeurs PS, de leurs proches du Front de Gauche, et, par extension, de la CGT - qui crie au scandale et cherche dénoncer la fourberie illégitime de la bande à Macron. Or si la maladresse du gouvernement explique les faveurs de l’opinion publique à la cause syndicale, les protestations du mois de mai sont – à mon goût – un signe (de plus) que les frontières des partis politiques français sont aujourd’hui obsolètes. [i] Laisser le volant mais donner ses instructions au pilotes depuis la banquette arriere [i] Et encore je vous ai epergne les rlst du classement PISA [ii] impossible de virer un X en France. Corréalaiton : + vous avez d’X dans votre CA, + l’entrperise (du CAC 40) a de mauvais rtls. Un spectateur engagé |
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