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Le legs oedipien du pouvoir aveuglant

9/7/2016

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Œdipe explique l'énigme du sphinx, Jean-Auguste-Dominique Ingres
      Quel est le point commun entre le héros du mythe de Sophocle, la gouvernance de la polis et les prochaines élections présidentielles ? Derrière cette équation apparemment insoluble se cache la trinité du pouvoir, de la culpabilité et de la responsabilité. En voici, schématiquement, le sens ;  ou comment illustrer la politique actuelle par un mythe vieux de plusieurs siècles.

La légitimité du pouvoir politique
    Oedipe est choisi par la Cité de Thèbes pour devenir son roi. Il tire donc la légitimité de son pouvoir de la volonté populaire qui a reconnu en lui des qualités exceptionnelles propres aux dieux. Aujourd’hui, on qualifierait de démocratique cet acte - sans que cela engendre pour autant, bien entendu, une démocratie. En effet, Oedipe est plus qu’un roi, il est un tyran au sens grec du terme, c’est-à-dire pas nécessairement quelqu’un de despotique et de machiavélique avec son peuple (au début de la pièce, dans les supplications adressées à Oedipe, on sent qu’il est manifestement très aimé des Thébains), mais un homme qui n’a pas hérité du pouvoir de son père. Le mot tuvrannoı implique qu’Oedipe n’appartient pas à une famille régnante ; lui a conquis le trône « par la faveur du peuple », donc démocratiquement. Comme les politiques contemporains.

La passion du pouvoir
    Cependant, l’évolution de l’exercice du pouvoir par Oedipe peut s’apparenter à nos sociétés contemporaines, et, plus précisément, à la passion du pouvoir. Au fil de la pièce de Sophocle, l’hubris d’Oedipe prend le pas sur sa sagesse, et à l’image du protecteur succède une image dégradée du pouvoir qui se réalise dès le retour de Créon et l’affrontement avec Tirésias. Cette passion du pouvoir le rend aveuglant : Oedipe commence alors par réagir de manière « tyrannique » au sens où le français l’entend (il parle de tuer Créon sans le juger : attitude arbitraire qui est caractéristique du tuvrannoı). Or, « la violence fait le roi » écrit Jean Bollack : la démesure et la tyrannie sont donc mères et filles. Oedipe porte en lui la violence du tyran, aveuglé par les rayons du pouvoir, et oublie ses devoirs envers la cité. De nos jours, cela semble encore plus vrai.


En effet, l’histoire d’Oedipe est le plus complet des mythes politiques, dans la mesure où chaque étape de son parcours retrace un moment dans l’accession au pouvoir (Marie Delcourt, Oedipe ou la légende du conquérant, 1981) : l’exposition de l’enfant, le meurtre du père, la victoire (sur la Sphinge), l’énigme, le mariage avec la princesse et l’union avec la mère. Or, nombre de présidentiables de 2017 retracent cette voie oedipienne sans en faire le moindre complexe. Mais d’où vient ce vice du pouvoir aveuglant ?

De la culpabilité 
    D’Oedipe, encore. Et de la culpabilité. Karl Jaspers a distingué quatre formes de culpabilités dans son essai La culpabilité allemande : criminelle, morale, métaphysique et politique. Où se situe la culpabilité oedipienne ? Un peu dans chacune d’elle : le meurtre du père, l’inceste, l’infraction des lois divines puis la trahison envers les citoyens de Thèbes - donc envers la Cité. Sophocle montre donc ainsi que c’est Oedipe qui a rendu tout pouvoir coupable : on ne peut exercer le pouvoir sans une quelconque culpabilité. Or, dans la langue de Jaspers, le mot « die Schuld » désigne à la fois la dette et la culpabilité : ce pouvoir coupable est une dette dont les générations futures devront payer le prix - celui du déni de responsabilité.


    « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » écrivit René Char (Feuillets d'Hypnos) : encore moins celui des politiques. Aux présidentiables de 2017, donc, de refuser ce legs que Sophocle a su s’y bien mythifier. Car ce pouvoir oedipien, c’est celui qui aveugle, qui culpabilise, qui tyrannise, qui perd sa raison d’être alors qu’il avait celle de naître. A eux et aux citoyens de « prendre leurs responsabilités », comme Antigone envers son père (Oedipe à Colone, Sophocle), au risque de tous terminer avec les pieds enflés.

Tom Caillet

étudiant à HEC Paris, passionné de philosophie, vous pouvez aussi trouver son article précèdent sur les jeux olympiques. 

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